Le président Nkurunziza a remercié, vendredi, les forces de sécurité qui l’ont soutenu contre les putschistes et a annoncé la réouverture des frontières du Burundi. Il a également exigé que "le soulèvement soit arrêté immédiatement".
Alors que la tentative de coup d'État a échoué au Burundi, le chef de l'État Pierre Nkurunziza, qui a retrouvé son palais présidentiel au cours de la journée, s’est adressé solennellement à la nation.
"Le pays entier est en paix", a-t-il déclaré à la radio d’État. "À l'occasion de ce jour mémorable, nous voulons remercier du fond du cœur les corps de défenses et de sécurité pour l'efficacité et la rapidité dont ils ont fait preuve pour stopper le projet macabre de détruire les institutions démocratiquement élues", a-t-il également dit dans un discours publié sur le site de la présidence en kirundi, la langue nationale, et qui devait aussi être diffusé sur la radio et télévision nationale.
"Nous annonçons à la population et la communauté internationale que toutes les frontières du pays sont ouvertes et sont sous bonne garde et que la vie est redevenue normale", a-t-il ajouté.
"Il est évident que les soulèvements en cours sont liés au groupe qui voulait renverser les institutions", a-t-il poursuivi, demandant "avec force que le soulèvement soit arrêté immédiatement et que ceux qui ont des doléances à présenter passent par la voie du dialogue et de la concertation et non par la voie de la violence".
Manifestations dans une ambiance électrique
Des manifestations d’opposants à sa candidature à un troisième mandat ont en effet repris vendredi, malgré la présence massive de l’armée dans les rues de Bujumbura. Quelques heures à peine après la reddition des putschistes et l’arrestation de ses principaux leaders - le général Niyombaré est lui toujours recherché -, un journaliste de l'AFP a vu la police disperser, à coups de tir de sommation, des centaines de manifestants dans les rues du quartier périphérique de Musaga, dans le sud de la capitale, rassemblés par groupes de quelques dizaines autour de barricades.
L’ambiance dans les rues de Bujumbura vendredi après-midi était électrique et les policiers déployés extrêmement nerveux. Un officier a notamment lancé aux manifestants : "Sachez que ceux qui mettent des barricades seront désormais considérés comme des putschistes."
>> À lire sur France 24 : "Burundi, les dessous de la crise"
Les manifestations avaient été interrompues depuis mercredi, en raison des affrontements à l’arme lourde entre l’armée loyaliste et les putschistes. Mais la société civile, en pointe depuis le 26 avril dans la contestation, a appelé à redescendre dans la rue dès vendredi matin.
"Par principe, la société civile est contre les coups d'État, mais nous notons que les Burundais ont accueilli en grande liesse la tentative de coup d'État, ce qui montre que le peuple burundais a aujourd'hui besoin de changement", a déclaré Vital Nshimirimana, chef du collectif anti-troisième mandat, lui-même dans la clandestinité. "Nous appelons les Burundais encore une fois à se mobiliser et à reprendre les manifestations", a-t-il affirmé.
Risque de représailles sévères
Si le putsch a échoué, les raisons de la crise demeurent. Quatre anciens chefs d'État burundais ont d’ailleurs jugé "anticonstitutionnelle" la candidature du président Pierre Nkurunziza à un troisième mandat, estimant qu'elle "risque de compromettre les acquis de la paix" depuis la fin de la guerre civile en 2006.
Dans un courrier adressé en début de semaine aux chefs d'État de la région et transmis vendredi 11 mai à l'AFP, ces quatre ex-présidents constatent les "inquiétudes exprimées" par les Burundais sur la candidature de Pierre Nkurunziza (élu en 2005 et réélu en 2010) à la présidentielle du 26 juin.
"La volonté de Nkurunziza de briguer un troisième mandat est toujours là et la société civile est toujours contre. Les jeunes qui étaient dans les rues vont y revenir, mais dans des conditions plus difficiles. L’armée est très présente et la répression risque d’être brutale", analyse Jean-Karim Fall, rédacteur en chef à France 24 et spécialiste de l’Afrique.
Les défenseurs des droits de l’Homme redoutent une escalade de la violence. "Il y a un risque d’accroissement des représailles contre ceux qui s’opposent à un troisième mandat du président Nkurunziza ; contre les médias - on l’a vu avec les attaques contre les radios du pays ; et contre les défenseurs des droits de l’Homme", s'inquiète Tchérina Jérolon, adjointe au bureau Afrique de la Fédération internationale de la ligue des droits de l'Homme (FIDH).
Plus de 20 personnes ont été tuées depuis le début des manifestations dans les affrontements entre manifestants et forces de l'ordre et plus de 105 000 personnes, selon le Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR), ont fui vers les pays voisins, la Tanzanie, le Rwanda et la République démocratique du Congo.
Avec AFP et Reuters