Après 13 ans derrière les barreaux, dont 10 à Guantanamo, Omar Khadr, 28 ans, a retrouvé la liberté au Canada. La fin d'une vie pénitentiaire commencée à l'âge de 15 ans en Afghanistan.
Son histoire a secoué le Canada. Omar Khadr, 28 ans, fils d’un membre influent d’Al-Qaïda, a retrouvé, la liberté, jeudi 7 mai, après 13 ans d'emprisonnement, dont 10 dans l'enfer de Guantanamo. Ce jeune homme né à Toronto d’un père Égyptien et d’une mère Palestinienne, avait été accusé d’avoir tué en 2002 un sergent américain en Afghanistan, où son père l’avait mené. Blessé, il avait été capturé, alors âgé de 15 ans, puis emprisonné d’abord à Bagram, en Afghanistan, puis dans le célèbre pénitencier antiterroriste, à Cuba.
Jeudi 7 mai, Omar Khadr a fait sa première apparition devant des journalistes, l’air radieux et quelque peu abasourdi. "Je vais prouver que je suis différent de ce qu’on pense de moi, que je suis une bonne personne", a-t-il affirmé devant les caméras. Visiblement ému, il a adressé un message au Premier ministre Stephen Harper, lequel s’était farouchement opposé à sa libération : "Je vais le décevoir, mais je vaux mieux que ce qu’il croit."
La libération d’Omar Khadr est en grande partie due au combat acharné mené par l’avocat du jeune homme jusqu'à la Cour suprême des États-Unis.
Tortures et interrogatoires abusifs
"Je suis heureux, incroyablement heureux, cela a pris tellement d'années pour en arriver là", a déclaré son avocat, Dennis Edney, à la sortie du tribunal. "C'est un beau jour pour la justice", s'est-il réjoui. Dennis Edney va désormais faire office de père adoptif pour Omar Khadr, l’héberger et financer ses études. "J'aurais beaucoup de questions à poser à mon père aujourd'hui", a déclaré l'ancien détenu, face aux journalistes. Ahmed Khadr, soupçonné d'avoir entretenu des liens étroits avec Oussama Ben Laden, a été tué en octobre 2003 au cours d'un accrochage avec les forces armées pakistanaises. Malgré tout, le jeune Canadien préfère regarder vers l'avenir. "Je suis très excité à l’idée de commencer ma vie", a-t-il ajouté.
Omar Khadr répond à la presse (en anglais)
Une vie qui s’est brutalement interrompue, en 2002 en Afghanistan, lors d’une opération de l’armée américaine menée contre les Taliban. Omar Khadr est accusé d’avoir alors jeté une grenade sur les forces américaines, tuant un sergent. Blessé, il est capturé puis torturé dans la base de Bagram.
"Omar était traité plus durement que tous les autres en dépit du fait que c’était un enfant et qu’il était déjà blessé", se souvient un de ses codétenus, dans un reportage intitulé "Quatre jours à Guantanamo".
Puis, c’est le transfert dans le centre de détention du sud-est de Cuba, où il est incarcéré sans procès. Il y subira des interrogatoires abusifs et illégaux par les services secrets canadiens, comme en atteste des vidéos publiés par ses avocats en 2008.
"Nous avons laissé tomber un enfant"
En 2010, il est condamné, après avoir plaidé coupable des cinq accusations portées contre lui, par un tribunal spécial de l'armée américaine à huit ans de prison. C’est aussi cette année-là que la Cour suprême du Canada établit que les droits d’Omar Khadr ont été violés. Il ne sortira de Guantanamo qu’en 2012, pour être transféré dans une autre prison sous haute sécurité, au Canada.
Selon Dennis Edney, cette vie carcérale représente une injustice qu’il n’a de cesse de dénoncer. "Nous avons laissé tomber un enfant, un enfant canadien soumis à la torture à Guantanamo. Nous n'avons pas seulement abandonné un enfant à la torture mais nous, Canadiens, nous avons participé à cette torture", a-t-il clamé.
En liberté conditionnelle, Omar Khadr devra porter en permanence un bracelet électronique et respecté un couvre-feu. Ses déplacements sont par ailleurs circonscrits à la province d'Alberta où réside son avocat.