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La loi sur le renseignement votée à l’Assemblée nationale

La loi sur le renseignement, défendu par Matignon au nom de la lutte antiterroriste, mais décrié par le milieu de l'Internet français et des associations de défense des libertés individuelles, a été votée, mardi, à l'Assemblée nationale.

"Boîte noire", "surveillance généralisée", ou encore "Patriot Act à la française", c'est précédé d'une sulfureuse réputation que la loi sur le renseignement a été adoptée, mardi 5 avril, par 438 voix contre 86 à l'Assemblée nationale. Les groupes socialiste, radicaux de gauche et UMP, à l'exception de quelques récalcitrants, ont voté pour ce projet, qui définit les missions des services de renseignement français à l'ère du cyberespace et d'une résurgence de la menace terroriste sur le sol français. Les groupes Front de gauche et écologiste ont en revanche voté contre tandis que les centristes de l'UDI se sont divisés à ce sujet.

La loi sur le renseignement votée à l’Assemblée nationale - LUTTE ANTITERRORISTE

Le Premier ministre, ardent défenseur du texte, a aussitôt fait part de sa satisfaction. "Je veux me féliciter d'une très large majorité en faveur du texte sur le renseignement, qui préserve nos libertés fondamentales, mais qui encadre l'activité de nos services de renseignement et leur donne davantage de moyens pour qu'ils soient le plus efficace possible face à la menace terroriste, mais aussi dans la lutte contre la grande criminalité ou contre l'espionnage économique", a-t-il déclaré dans les couloirs de l’Assemblée.

Pour Manuel Valls, "l'Assemblée nationale, dans sa très grande responsabilité, a considéré qu'il fallait se rassembler pour ce texte utile, efficace et attendu par les Français", et ce, "malgré les polémiques parfois inutiles, les accusations insupportables quand il s'agissait de mettre en cause les aspects liberticides de ce texte, ou les pressions encore hier envers les parlementaires".

Demain, vote sur le #PJLRenseignement : des services publics légitimés et contrôlés, les Francais mieux protégés, nos libertés garanties.

— Manuel Valls (@manuelvalls) 4 Mai 2015

Multiplication des critiques

De son côté, l’association pour la défense des libertés individuelles sur Internet, la Quadrature du Net, a vivement dénoncé l’adoption de ce projet. "Les représentants du peuple français ont donné au Premier Ministre le pouvoir de surveiller massivement et sans contrôle la population française, faisant reculer ainsi un peu plus la séparation des pouvoirs, fondement de notre système démocratique", est-il écrit dans un communiqué.

Au sein de la société civile, de plus en plus de voix s’étaient élevées ces derniers jours pour dénoncer les risques de dérives du nouveau dispositif. Il s'agit aussi bien d'associations pour la défense des libertés individuelles sur Internet, telle que la Quadrature du Net, que de professionnels du secteur. Les hébergeurs de contenus en ligne (tels qu'OVH) ont été parmi les plus virulents à dénoncer les mesures proposées, et notamment l'installation dans leurs locaux d'un "outil d'analyse automatique" (la fameuse boîte noire) pour éplucher les données qui transitent par leur réseau. L'un de ces hébergeurs frondeurs, le service gratuit historique altern.org, a d'ailleurs annoncé, mardi, qu'il fermait temporairement sa plateforme le temps de déménager en Norvège.

L'hostilité à ce texte provient aussi d'organismes plus officiels comme la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). Elle s'est inquiétée du flou qui règne autour du contrôle des données collectées par les services de renseignement. Le projet de loi propose la création d'une Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (composée de parlementaires et de magistrats), mais les opposants au texte doutent de son utilité.

Une première sous la Ve République, le président François Hollande a annoncé qu'il allait, lui-même, saisir le Conseil constitutionnel après le vote du texte afin que les neuf Sages se prononcent sur la conformité de la loi sur le renseignement.

Le texte, qui sera débattu fin mai au Sénat, définit les missions des services de renseignement (de la prévention du terrorisme à l'espionnage économique) ainsi que le régime d'autorisation et de contrôle des techniques d'espionnage (écoutes, pose de caméras ou de logiciel-espion, accès aux données de connexion, etc.).

Avec Reuters