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Dans un Royaume-Uni plus désuni que jamais, où aucun parti ne semble être à même de gouverner seul, les indépendantistes écossais tirent leur épingle du jeu. Emmenés par la charismatique Nicola Sturgeon, ils veulent jouer les faiseurs de rois.

Un vent de révolte souffle de nouveau au nord du mur d'Hadrien. Moins de huit mois après le "non" à la sortie de l'Écosse du Royaume-Uni, les élections générales britanniques du 7 mai ont des allures de second tour du référendum. Londres pensait en avoir fini pour quelque temps avec les velléités indépendantistes écossaises, mais la campagne pour une Écosse libre n’est finalement jamais retombée et la fronde contre la City et Westminster redouble dans le nord du royaume.

Les sondages prédisent un raz de marée du Parti national écossais (SNP), qui devrait remporter la plupart des 59 sièges dévolus à l’Écosse (contre six aujourd'hui) sur les 650 que compte la Chambre des communes. Et comme aucun des deux grands partis – les conservateurs et les travaillistes, au coude à coude dans les sondages – ne semble en mesure de remporter le majorité à la chambre des Communes, les indépendantistes écossais se posent en faiseurs de roi.

Les conservateurs de David Cameron étant honnis de Glasgow à Edimbourg, le seul parti auquel le SNP est prêt à s’allier est le "Labour" d’Ed Miliband. Celui-ci a d’ores et déjà indiqué qu’il refuserait de monter formellement une coalition avec les Écossais, mais il risque d’être contraint de négocier avec eux s’il veut avoir une chance d’être Premier ministre. Quitte à réveiller pour de bon le sentiment indépendantiste en Écosse et rendre encore plus vraisemblable la tenue d’un nouveau référendum.

Nicola Sturgeon, l'anti-Thatcher

Celle à qui on doit la résurrection aussi rapide qu’inattendue du sentiment indépendantiste, c’est Nicola Sturgeon, la nouvelle Première ministre d'Écosse. Certains la comparent à Margaret Thatcher, d'autres lui trouvent des faux airs d'Angela Merkel. Des rapprochements qui ne l’amusent guère et qu’elle juge même franchement sexistes, estimant n'avoir quasiment rien en commun avec ces deux conservatrices.

Indépendantiste convaincue et clairement de gauche, les travaillistes sont, selon Nicola Sturgeon, trop tempérés. Elle les accuse d’être "pratiquement sur la même ligne que George Osborne", le ministre des Finances de Cameron qui a imposé l’austérité au Royaume-Uni.

La Première ministre a définitivement écarté son prédécesseur et mentor, Alex Salmond, qui n’a pas su concrétiser l’espoir suscité en Écosse lors de la campagne. Celui-ci s’est effacé au lendemain de la victoire du "non" au référendum, laissant à Nicola Sturgeon la tâche de rallier les nombreux déçus par le résulat.

Depuis Londres, on assiste alors avec curiosité à l’ascension de cette nouvelle venue, dont la presse s'attache surtout à détailler sa coiffure ou ses tailleurs. Force est de constater qu’elle s’est depuis rapidement imposée et que son assurance, notamment lors des débats télévisés, fait d’elle la personnalité la plus en vue d’une campagne bien terne.

C’est peu de dire que le scrutin passionne guère les Anglais, qui parient davantage sur le prénom et le sexe du prochain "royal baby" que sur celui de leur prochain Premier ministre. Ed Miliband et David Cameron, qui ont tous deux débauché des anciens de la campagne de Barack Obama, ont du mal à passionner le public, même quand ils tentent de faire le "buzz" sur les réseaux sociaux. Quant aux europhobes du parti Ukip, qui ont réalisé un score historique aux dernières élections européennes, ils ne devraient pas peser bien lourd à Westminster, en raison du système électoral - uninominal à un tour - qui les pénalise.

Quoi qu’il arrive le 7 mai, le scrutin devrait enterrer encore un peu plus le bipartisme. Le futur gouvernement va se dessiner en coulisses, lors des négociations entre partis, et c’est à ce moment là que le SNP veut faire entendre son accent écossais.

Les soucis de la City

La perspective d’une éventuelle alliance entre travaillistes et indépendantistes écossais est une cible de choix pour les tabloïds anglais qui promettent, à coup de unes tapageuses, la fin de l’embellie économique ou même la mort du Royaume-Uni si Cameron est battu. Quant au milieu de la finance, il redoute la fin d’une période faste qui a vu le chômage retomber à son niveau d’avant la crise de 2008 et les grandes banques renouer avec des profits faramineux.

Par essence rétive aux grands chambardements en période de prospérité, la City est opposée à l’indépendance de l’Écosse, même si elle voit aussi d’un mauvais œil le vote promis par les conservateurs sur une sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. La "moins pire" des solutions pour les grands banquiers reste cependant la reconduction de Cameron, car ces derniers craignent avant tout de voir Ed Miliband, qui a axé sa campagne sur la régulation de la finance, investir le 10 Downing street. Surtout s'il s'installe en colocation avec Nicola Sturgeon.