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Prostitution : le Sénat oscille entre délit de racolage et pénalisation des clients

Une proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la prostitution est examinée par le Sénat à partir de lundi. Les députés se déchirent entre défenseurs du délit de racolage et partisans d'une loi sur la pénalisation des clients.

Pour lutter contre le système prostitutionnel, faut-il sanctionner les prostituées ou leurs clients ? Telle est la question, posée sous la forme d'une proposition de loi, qui est étudiée par le Sénat, lundi 30 et mardi 31 mars. Alors que le projet devait essentiellement plancher sur la question de la pénalisation des clients - une première fois retoquée en juillet dernier -, la donne a été bouleversée, mercredi 25 mars, par la commission spéciale du Sénat. Cette dernière a non seulement rejeté toute sanction des clients, mais a également réintégré le délit de racolage, alors même que le projet de loi prévoyait de l'abroger.

L'abrogation de ce délit de racolage passif, instauré en 2003 à l'initiative de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, représenterait un appel d'air pour les réseaux de traite, avaient avancé les députés UMP pour s'y opposer. Ces derniers arguent qu'il s'agit aussi d'un moyen de défendre les prostituées. La mesure est pourtant largement décriée par les associations de terrain, qui relèvent davantage de précarité chez les prostituées depuis l'adoption de la loi, et peu de résultats en matière de lutte contre les réseaux.

Face à cette opposition, la députée Maud Olivier, rapporteuse de la proposition, s'est déclarée "très déçue" par ce "retour en arrière", tout en espérant que "le texte évolue au cours des débats".

Des mesures décriées

Les débats s’avèrent toutefois houleux, l’UMP s’étant également opposée à la pénalisation des clients, tout comme les écologistes. Le texte initial, en jachère depuis quinze mois au Sénat, prévoyait de punir l'achat d'acte sexuel d'une contravention de 1 500 euros et de faire passer les prostituées du rang de coupables à celui de victimes. Le délit de racolage prévoit, lui, jusqu’à deux mois d'emprisonnement et 3 750 euros d'amende pour la contrevenante, c'est-à-dire la prostituée.

Le projet de pénalisation des clients, qui se base sur l'exemple de la Suède, n’est cependant, lui non plus, pas populaire auprès des acteurs de terrain. Selon des associations de prostituées, Médecins du Monde ou encore Act-Up, la mesure risquerait d’avoir les mêmes conséquences que le délit de racolage : pousser les prostituées à plus de clandestinité et de précarité, en les mettant à la merci des rares clients.

Samedi, soit deux jours avant le début des débats, quelque 500 travailleurs du sexe ont d'ailleurs fait entendre leur opposition à ces deux mesures lors d’une manifestation à Paris. Selon une étude de l’université Aix-Marseille réalisée auprès de 500 prostituées à Paris, 98 % d’entre elles sont hostiles à la pénalisation des clients.

La proposition de loi comprend également un volet consacré à l’octroi d'un titre de séjour pour les prostituées sans papiers, du moment que ces dernières sont engagées dans un projet d'insertion social et professionnel pour sortir de la prostitution. Selon l'Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH), 80 % des prostituées en France sont d'origine étrangère.

Avec AFP