Énième variation autour du triangle amoureux, "À trois on y va" de Jérôme Bonnell relate avec une décontraction de bon aloi les vicissitudes amoureuses d'un couple épris d'une jeune avocate. Un badinage moderne porté par un séduisant trio d'acteurs.
Chaque mardi, France 24 se penche sur deux films qui sortent dans les salles françaises. Cette semaine, le charmant marivaudage "À trois on y va" de Jérôme Bonnell, et "Dear White People", une pétulante satire raciale sur l'Amérique d'Obama signée Justin Simien.
Deux hommes, une femme ; deux femmes, un homme… Le triangle amoureux est, depuis longtemps, une constante du cinéma hexagonal, qui entretient plus ou moins volontairement aux yeux du monde l'image d'une France insouciante, volage et farouchement portée sur les choses de l'amour. On ne s'étonnera d'ailleurs pas que les Anglo-Saxons utilisent le terme français "ménage à trois" pour désigner un trio sentimental (que certains sociologues français désignent, eux, par le vilain mot de "trouple").
De l'incontournable "Jules et Jim" au récent "Trois Cœurs" de Benoît Jacquot, en passant par "César et Rosalie" de Claude Sautet ou "Les Chansons d'amour" de Christophe Honoré, tout semble en effet avoir été dit et montré sur les turpitudes de l'amour qui se conjugue à trois. Qu'est-ce que le réalisateur Jérôme Bonnell pouvait apporter de neuf au sujet ? Une légèreté, tout d'abord, que ses devanciers ont quelque peu sacrifiée sur l'autel du drame sentimental. Comme son titre l'indique, "À trois on y va" est un film plein d'allant, un séduisant marivaudage moderne avec portes qui claquent et amant dans le placard.
Sans chichis
Amant, ou plutôt devrions-nous dire maîtresse, puisqu'ici l'objet du désir s'appelle Mélodie, une jeune et talentueuse avocate de Lille (Anaïs Demoustier) qui entretient, d'un côté, une relation secrète avec Charlotte (Sophie Verbeeck) et, de l'autre, une amourette clandestine avec Micha, le compagnon de celle-ci (Félix Moati). De cette situation vaudevillesque, qui aurait pu donner lieu à de lourdingues imbroglios dignes du boulevard, Jérôme Bonnell, également le scénariste, tire une comédie intimiste, pudique et sans chichis sur la liberté d'aimer.
"À trois on y va", sans être révolutionnaire, a ceci de plaisant qu’il capte avec décontraction l'insouciance de cette génération de trentenaires urbains qui, libérée des carcans familiaux traditionnels, suit ses instincts plutôt qu'un modèle pré-établi d'adultes "responsables". On appréciera en outre que le film aborde les amours homosexuelles de manière naturelle, sans leur conférer un caractère subversif.
Le charme de ce badinage très "dans l’air du temps" tient pour beaucoup à son trio de comédiens, au premier rang desquels Anaïs Demoustier qui déploie ici une facette encore méconnue de son répertoire. Récemment vue dans des rôles dramatiques ("Thérèse Desqueyroux", "Bird People", "Une nouvelle amie"), l’actrice fait montre d'une véritable aisance avec la comédie, même dans les situations les plus inconfortables (comme lorsqu'elle se retrouve en petite culotte dans le jardin du voisin). La fraîcheur de son jeu a en tous cas convaincu d'autres réalisateurs. Anaïs Demoustier sera prochainement à l'affiche des prochains films d'Emmanuel Mouret et de Valérie Donzelli, deux cinéastes connus pour mettre en scène les fluctuations du mouvement amoureux. Sacrés Français !
- "À trois on y va", de Jérôme Bonnell, avec Anaïs Demoustier, Félix Moati, Sophie Verbeeck… (1h26).