logo

À quelques jours d’une visite d’État à Paris, le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi s’est entretenu, jeudi, avec deux journalistes de France 24. Une interview exclusive, la première accordée à une télévision européenne depuis son accession au pouvoir. L’homme fort du Caire revient sur les arrestations de Frères musulmans et le sort des journalistes d’Al-Jazira emprisonnés. Sans oublier la lutte antiterroriste, la situation en Libye et le processus de paix au Proche-Orient.

  • Sur les journalistes d’Al-Jazira emprisonnés, dont un Égypto-Canadien et un Australien

"La décision de les arrêter a été prise, alors que je n’étais pas aux responsabilités. Si j’y avais été à l’époque, j’aurais préféré les arrêter et les renvoyer dans leur pays d’origine. Et ce, dans l’intérêt suprême de l’Égypte. Ainsi, la question serait close. En France, vous respectez la décision de justice, pourquoi ne serait-ce pas la même chose pour nous ? En Égypte, nous avons un droit, nous avons des juges, dont les décisions doivent être respectées. Si nous trouvons quelque chose qui agit dans l’intérêt de l’Égypte nous les gracierons. C’est actuellement en cours d’examen."

  • Sur les arrestations de Frères musulmans

"C'est le peuple qui a refusé le régime des Frères musulmans. En Égypte, tout le monde a le droit de penser ce qu’il veut, mais les Frères musulmans étaient en train d’imposer par la force leurs idées aux Égyptiens."

  • Sur la situation sécuritaire en Libye

"Nous, en tant que communauté internationale, avec les Européens et les Américains, nous devons renforcer l’armée nationale libyenne pour lutter contre les terroristes. La situation en Libye nécessite davantage d’intérêts. Le travail de l’Otan n’a pas été finalisé. Le régime libyen a été destitué, mais les institutions n’ont pas été restituées au peuple. Après la chute du régime, les forces étrangères ont quitté la Libye, en laissant les armes à des milices, qui, aujourd’hui, règnent partout dans le pays."

"Il s’agit de fournir un effort commun pour que la Libye devienne un État normal et non plus une zone de nuisance pour les voisins, pour la Méditerranée et pour l’Europe. Dès le début de la mise en place de la coalition contre l'organisation de l'État islamique (EI), nous avons attiré l’attention sur la situation en Libye. Nous devons traiter l’extrémisme comme un seul bloc. Si nous combattons le terrorisme en Irak et en Syrie, les terroristes vont venir en Libye. Les mêmes mesures qui sont prises en Irak et en Syrie doivent donc être appliquées."

  • Sur la lutte contre le terrorisme

"En matière de lutte contre le terrorisme, nous fournissons des efforts depuis plus d’un an. Au Sinaï, sur les frontières de l’Ouest, sur les frontières du Sud, nous avons déployé des efforts bien avant la mise en place de la coalition internationale anti-EI. Nous appelons à une coalition contre l’extrémisme depuis de nombreuses années. Mais la lutte contre le terrorisme ne doit pas être uniquement militaire. Pour traiter ce phénomène, il faudra prendre un ensemble de mesures sur le plan économique, social, culturel, sécuritaire et politique."

  • Sur l’instauration d’une zone tampon à la frontière avec Gaza

"Nous partageons une frontière avec Gaza, mais évidemment il n'y a pas, à l'heure actuelle, de contrôle efficace de la circulation des biens et des personnes dans cette zone, affirme-t-il. Nous avions un accord avec la population locale qui a compris qu'il fallait évacuer la zone pour la sécurité de l'Égypte, c'est pour le bien de notre pays."

  • Sur l’escalade de violences en Israël

"Sans doute, les Palestiniens sont déçus, frustrés, sans espoir. Pour ma part, lors de mes contacts avec le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, j'affirme que nous avons besoin de donner un espoir aux Palestiniens, nous avons besoin de leur donner un pays pour qu’ils puissent vivre en paix aux côtés du peuple israélien. Et je le redis ici : en tant qu’États qui aimons la paix, nous devons fournir toutes les garanties d’un État palestinien naissant. Sans cela, la tension perdurera et l’instabilité durera."

"Avec une démarche courageuse, la donne changera. Qui aurait pu croire il y a 40 ans que le traité de paix entre l’Égypte et Israël durerait ainsi. L’audace de ce genre d’initiative créera une nouvelle donne qui s’imposera à toute la région. Et pour notre part, nous sommes prêts à y contribuer."

  • Sur le Hamas

"Lorsque nous prenons des mesures dans le Sinaï, elles ont pour but d’asseoir notre souveraineté dans le Sinaï, qui fait partie du territoire égyptien. Nous ne permettrons à personne de perpétrer des attaques depuis notre territoire contre des voisins et contre Israël."