
François Hollande a confirmé, mercredi, l'assassinat de l'otage français Hervé Gourdel, enlevé dimanche 21 septembre en Algérie par un groupe jihadiste ayant prêté allégeance à l'organisation de l'État islamique. Éditorial.
"Hervé Gourdel est mort parce qu’il était Français", a dit François Hollande en rendant hommage au touriste assassiné en Algérie, mercredi 24 septembre. Un choc probable à venir en France, et de multiples défis. Comment y faire face ?
L’assassinat de l'otage Hervé Gourdel, par les émules algériens de l’organisation de l'État Islamique, n’est hélas pas une surprise. Visiblement, ce nouveau groupe baptisé "Soldats du califat" se devait de faire preuve rapidement du zèle pour crédibiliser son allégeance à la dernière "franchise" jihadiste ayant le vent en poupe.
Selon les premières informations dont nous disposons, la vidéo de revendication du groupe jihadiste lié à l'organisation de l’État islamique, "message de sang pour le gouvernement français" s’inspire d’ailleurs scrupuleusement des mises en scène macabres de l’EI. Il n’y a donc pas eu la moindre volonté de négociation. Ce crime était en quelque sorte le gage d’adhésion à l’organisation. La participation française aux bombardements en Irak était une occasion parfaite.
Dans ces conditions, le sort réservé au malheureux touriste français pourra donner le sentiment aux hésitants, ici en France, que le gouvernement a en connaissance de cause exposé ses ressortissants aux foudres des terroristes. C’est d’ailleurs un des ressorts de la terreur, comme l’a souligné François Hollande : répandre la peur pour faire craquer le front intérieur, montrer que l’ennemi n’a pas de base solide dans son action, face à des guerriers d’Allah, forcément soudés et qui ne craignent pas la mort.
Que peut-on opposer à cela ?
D’abord appeler un chat un chat : un assassinat n’est pas une "exécution", terme impropre que trop de medias emploient encore pour qualifier ce genre de forfait.
Rappeler que ces meurtriers ne sauraient se réclamer de la qualité de "soldats", puisque c’est ainsi qu’ils se nomment eux-mêmes. Des soldats n’assassinent pas de sang froid des civils innocents.
Exiger ensuite qu’en ces circonstances, l’union nationale se manifeste partout. Toute critique du gouvernement français à des fins politiciennes serait absolument indigne.
Rappeler que les terroristes (ceux d’Aqmi, du GIA avant que l’organisation de l'EI ne se fasse connaître) n’ont pas attendu cette dernière intervention pour tuer des Français. On rappellera ici le sort des moines de Tibéhirine, ou de Michel Germaneau et Philippe Verdon au Mali.
Dénoncer enfin la stigmatisation de la religion musulmane, des musulmans dans leur ensemble, qui risque d’être un exutoire facile pour certains esprits faibles mais qui est irresponsable de la part d’un élu comme le maire de Nice, Christian Estrosi, qui parle "d’ennemi de l’intérieur qui se prépare dans les caves et les garages". Jeter ainsi le soupçon sur toute une population n’est pas faire preuve de lucidité sur l’attirance pour le jihad de trop de jeunes musulmans français.
Éviter en même temps toute forme de relativisme : le gouvernement estime à environ un millier le nombre de Français partis faire le jihad en Syrie. Si l’on s’en tient là, cela ne fait que quelques dizaines, une centaine peut-être, d’individus susceptibles de revenir en France avec des intentions menaçantes. Même s’il y a eu des cafouillages et des ratages, les surveiller n’est pas hors de portée des services de renseignement et de sécurité. Le danger pour la cohésion de la nation française est ailleurs.
Beaucoup trop de Français musulmans répugnent à condamner clairement les agissements de ces groupes terroristes, invoquant trop facilement un "deux poids deux mesures". L’absence de condamnation des bombardements américains ou israéliens qui tuent aussi des innocents, en Afghanistan, en Irak ou à Gaza. Quel rapport avec les persécutions de minorités, les viols, les décapitations en masse de chrétiens, de Kurdes, Yazidis ou musulmans chiites ?
Les organisations membres du CFCM ont, fait sans précédent, condamné unanimement l’EI et ont dit en termes très clairs que ces criminels ne sauraient se réclamer de la religion musulmane. Mais on peut malheureusement douter de la représentativité du CFCM. Dans ces conditions, on peut tout à la fois dire que nul ne saurait exiger des musulmans qu’ils manifestent en masse contre les assassins jihadistes et en même temps qu’une telle initiative, sur le mode du hashtag #notinmyname serait le désaveu le plus cinglant à ceux qui prennent l’islam en otage.