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Hong Kong en rébellion contre l’emprise de Pékin

Le mouvement hongkongais pro-démocratie Occupy Central a lancé lundi une campagne de riposte contre Pékin qui avait fait miroiter l’instauration du suffrage universel dans l’ancienne colonie britannique. Décryptage d’une rébellion croissante.

C’est sûrement l’une des pires crises politiques qu’ait connu Hong Kong depuis sa rétrocession à la Chine en 1997. Lundi 1er septembre, le mouvement pro-démocratie baptisé Occupy Central with Love and Peace (OCLP) a appelé ses partisans à multiplier les actes de "désobéissance civile" pour contraindre Pékin à démocratiser jusqu’au bout le processus électoral dans l’ancienne colonie britannique, qui bénéficie aujourd'hui du statut de "région administrative spéciale" (RAS).

Après plusieurs semaines d’avertissements, l’OCLP a mis ses menaces à exécution et appelé ses troupes à paralyser Central, le quartier d'affaires de Hong Kong dont les immenses gratte-ciel sont devenus l'emblème. Une riposte offensive qui fait craindre une période d'instabilité dans la perle d'Orient.

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La raison de leur colère : la "trahison" du gouvernement chinois qui n’a pas tenu sa promesse de mettre en place un système électoral démocratique. Le mois dernier pourtant, Pékin a autorisé chaque Hongkongais en âge de voter à participer à la prochaine élection pour désigner le président de l'exécutif hongkongais, en 2017. Sur le papier, l’annonce est hautement symbolique : depuis 1997, le processus électoral hongkongais se basait sur un suffrage indirect très complexe qui excluait, de facto, la population. Seul un collectif de 1200 représentants triés sur le volet par Pékin était chargé d’élire le chef de l’exécutif de l’ancienne colonie britannique.

"Des candidats patriotes"

En 2017 donc, tout devait changer. Seulement voilà, le gouvernement pékinois n’a jamais vraiment eu l’intention de tenir cette promesse et de perdre l’influence qu’il exerçait sur cette petite région – qui bénéficie, en principe, d’une large autonomie monétaire, gouvernementale et judiciaire, fondée sur le principe "un pays, deux systèmes". Il a donc posé des conditions pour garder la main sur la politique locale hongkongaise en décidant lui-même du choix des candidats. Ces derniers, choisis par un comité de préselection, devront être "patriotes" et "aimer la Chine et Hong Kong".

Autrement dit : ils devront tous être adoubés par le Parti communiste chinois. Une plaisanterie, plaide le mouvement pro-démocratie qui pointe du doigt un processus écartant, par définition, les candidats trop critiques à l’égard du régime central. "En clair, les Hongkongais pourront voter librement pour le candidat de Pékin", résume, ironiquement, Jean-Vincent Brisset, spécialiste de la Chine à l’Institut des relations internationale et stratégiques (Iris).

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"Continuation de trahisons de Pékin"

Les militants pro-démocratie ont donc perdu patience. "Le mouvement devient de plus en plus important aujourd’hui parce que les militants n’en peuvent plus de cette continuation de trahisons de Pékin", ajoute le spécialiste. Ce "cadeau électoral empoisonné" est un peu la goutte d’eau qui a fait déborder le vase d’une société hongkongaise exaspérée par l’ingérence pékinoise.

Depuis plusieurs années, en effet, la population de Hong Kong voit d’un mauvais œil l’afflux de millions de touristes chinois venus du "continent", responsables, selon elle, de la hausse du coût de la vie. Elle supporte également de plus en plus mal les restrictions de liberté d’expression. Baptiste Fallevoz, le correspondant de France 24 en Chine, est longuement revenu sur cette exaspération d’une frange de la population dans son reportage "Hong Kong, la rebelle", diffusé au mois de juillet. "Il y a une montée du nationalisme de plus en plus fort. Il existe des discours de plus en plus xénophobes envers les Chinois du continent", précise le journaliste. Ces touristes sont, en outre, considérés comme des "profiteurs", souvent "mal éduqués", lâche, de son côté, Jean-Vincent Brisset.

"Hong Kong tient farouchement à sa liberté"

Hong Kong, la rebelle, résiste donc à la mère patrie. "En 1997, Pékin a cru que l’ancienne colonie rentrerait petit à petit dans le système. Mais Hong Kong ne rentre pas dans le système ! La population hongkongaise tient farouchement à sa liberté", ajoute l’expert de l’Iris. Une autonomie que les hongkongais sentent de plus en plus menacée. "Ils voient ce qui se passe à Macao [ancienne colonie portugaise bénéficiant elle aussi d’un statut particulier]. Là-bas aussi, des militants réclament des réformes électorales. En vain. Le chef de l’exécutif [Fernando Chui] a été réélu, dimanche. Il a été choisi à 95% des voix par un comité de 400 membres majoritairement pro-Pékin. Tout cela ne rassure pas les Hongkongais".

L’issue de ce bras de fer dépendra de la façon dont Pékin répondra à l’exécution des menaces des militants pro-démocratie. Mais là encore, la sortie de crise paraît compliquée. Le gouvernement chinois a déjà coupé court aux négociations en avertissant que la prochaine élection se déroulerait selon les dispositions actuelles. "Quiconque n'aime pas ce pays, n'aime pas Hong Kong ou est dans la confrontation avec le gouvernement central n'occupera pas les fonctions de chef de l'exécutif", a déclaré Li Fei, un haut représentant de Pékin qui, provocation ultime, s’est exprimé en mandarin dans cette ancienne colonie, où la population reste très attachée à la langue cantonaise.