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“La démission du gouvernement est aussi une affaire franco-allemande”

La démission du gouvernement Valls et les critiques adressées par Arnaud Montebourg à Berlin ne sont pas passées inaperçues Outre-Rhin. La crise politique française y est perçue comme un “tournant” pour toute l’Europe.

Vue d’Allemagne, la démission du gouvernement Valls, lundi 25 août, apparaît comme un séisme politique en Europe. Certes, Berlin a tenté de minimiser l’affaire en évoquant une simple “question de politique intérieure française”. Mais pour les médias germaniques, il en va autrement. La crise politique française fait la Une des principaux journaux, qui l’analysent tous comme la conséquence du choc des cultures au sein du parti socialiste sur fond de marasme économique.

“Les poids lourds de la gauche de la gauche provoquent la chute du gouvernement”, titre le quotidien “Die Welt”. Pour tous, Benoît Hamon, ex-ministre de l'Éducation et surtout Arnaud Montebourg, le ministre de l’Économie sortant, sont responsables de ce coup de théâtre politique. La violence de la charge du patron de Bercy contre la politique de François Hollande et de Manuel Valls n’est pas passée inaperçue Outre-Rhin.

“Laquais d’Angela Merkel”

Et pour cause : Arnaud Montebourg n’a pas seulement demandé aux deux têtes de l’exécutif de changer de politique économique pour “favoriser la croissance”. Il a appelé à “hausser le ton” face à l’Allemagne et à son “obsession” de la maîtrise des dépenses publiques. “On a l’impression qu' Arnaud Montebourg juge que la politique de réformes entreprise par la France est dictée par Berlin et que François Hollande et Manuel Valls sont des laquais d’Angela Merkel”, résume un éditorialiste de la “Rheinische Post”. Pas étonnant selon ce quotidien que le Premier ministre ait jugé qu'Arnaud Montebourg avait “franchi la ligne jaune”.

Cette attaque de l'ex-ministre contre la priorité économique affichée par Berlin démontre que “contrairement à ce que peut dire le gouvernement d’Angela Merkel, la démission du gouvernement français est aussi une affaire franco-allemande”, assure Henning Vöpel, directeur du Hamburgisches WeltWirtschaftsInstitut (Institut hambourgeois d’économie mondiale). Pour cet économiste, la crise politique française est “un tournant” qui peut avoir des conséquences importantes pour l’Allemagne et toute l’Europe.

Tout dépend, d’après lui, de qui sortira vainqueur de cette crise. “La démission du gouvernement est la conséquence de l’affrontement entre ceux qui soutiennent les réformes économiques en France et les autres”, explique Henning Vöpel. Si le remaniement permet de constituer une équipe qui soutient à 100 % le cap fixé par Manuel Valls, “ce sera considéré comme une crise salvatrice en Allemagne”, assure-t-il.

“La France, pays clef pour l’avenir économique européen”

Jusqu’à présent le gouvernement français était perçu en Allemagne “comme incapable de se mettre d’accord sur une politique économique”, rappelle Henning Vöpel. Une indécision loin d’être anecdotique : “la France est actuellement le pays clef pour déterminer l’avenir économique de l’Europe”, affirme cet économiste allemand. Un gouvernement français soutenant d’une seule voix les réformes “deviendrait l’exemple à suivre pour d’autres pays européens [comme l’Italie de Matteo Renzi, NDLR] qui hésitent encore sur la politique à mener”, assure Henning Vöpel.

En d’autres termes, Arnaud Montebourg et, dans une moindre mesure, Benoît Hamon étaient aux yeux de certains Allemands des empêcheurs d'économiser en rond en Europe. Ces deux responsables politiques représenteraient “le courant de ceux qui veulent repousser aux calendes grecques le problème de la réduction de déficit”, résume ainsi le quotidien conservateur allemand “Frankfurter Allgemeine”.

Quand Arnaud Montebourg a raison

Pour autant, Henning Vöpel juge qu’Arnaud Montebourg n’a pas tout faux dans sa critique de la position allemande. “Angela Merkel a, en effet, un discours trop centré autour de l’austérité budgétaire sans jamais évoquer réellement d’agenda économique pour une relance économique en Europe”, explique-t-il. “Les réformes pour réduire les déficits créent de la frustration au sein des populations surtout si elles ne sont pas accompagnées d’autres mesures”, ajoute-t-il.

La chancelière allemande pourrait donc profiter de la crise française pour faire également un geste. “Elle doit se montrer plus positive dans son discours et pas seulement répéter toujours qu’il faut maîtriser les dépenses”, note Henning Vöpel. Sinon, craint-il, cette notion d’austérité budgétaire continuera à faire l’objet de toutes les récupérations politiques.