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La police new-yorkaise fait la chasse aux artistes dans les rames du métro

Depuis le mois d’avril, la police new-yorkaise multiplie les arrestations de danseurs, musiciens ou acrobates œuvrant dans les wagons du métro new-yorkais. Un tour de vis opéré au nom de la sécurité, mais qui ne plaît pas à tous les usagers.

Sale temps pour les artistes du métro new-yorkais. Depuis le printemps, les danseurs, musiciens ou encore acrobates qui se livrent, contre espèces sonnantes et trébuchantes, à des performances dans les wagons de la Metropolitan Transportation Authority (MTA, le réseau de transports publics de New York) font actuellement l’objet d’une intense traque menée par la police de la ville. Selon NBC New York, les arrestations effectuées au cours de 2014 pour mendicité dans le métro ont augmenté de 271 % par rapport à l’an passé. En juin, plus de 240 personnes s’étant livrées à des petits spectacles au milieu des usagers ont été interpellées au cours des cinq derniers mois, rapporte CBS News. À la même période en 2013, la police n’avait procédé qu’à 40 arrestations de ce genre.

Fatigués d’être considérés comme des hors-la-loi, un groupe d’artistes réunis au sein de l’association Busk NY a manifesté, mardi 12 août, devant la mairie de New York afin de demander que la légalité de leur gagne-pain soit reconnue. Si les activités artistiques sont tolérées dans les couloirs du métro de la Grosse Pomme, elles sont en revanche interdites dans les rames. "Nous dansons, nous chantons, nous ne sommes pas des criminels… Nous ne devrions pas être arrêtés pour avoir exercé nos talents", s’insurge Zenon "Tito" Laguerre, un acrobate de 34 ans interrogé par l’agence AP. "Cette pratique fait partie de la culture de New York", affirme Andrew "Goofy" Saunders, un jeune "performer" de 20 ans. "On ne devrait pas la criminaliser, mais l’encourager."

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Le ras-le-bol de ces indésirables est d’autant plus vif que l’élection, en novembre 2013, du très progressiste Bill de Blasio à la mairie de New York laissait espérer une amélioration de leur sort. Le mois dernier, l’édile démocrate a fait savoir que les performances de métro ne constituaient pas une infraction majeure mais restaient néanmoins sous le coup de la loi. "Il est clair que nous nous attendions à quelque chose de plus convaincant de la part de De Blasio, a déploré au mensuel "Capital" Matthew Christian, violoniste et fondateur de Busk NY. Je pensais que mes activités de militant allaient prendre fin avec son arrivée à la mairie. Je nourrissais beaucoup d’espoirs. Au lieu de cela, nous avons assisté ces derniers mois à une vague d’arrestations, d’évictions et d’amendes contre des artistes qui était pourtant en conformité avec la loi. C’est très décevant."

Le retour de la "tolérance zéro"

De fait, cette chasse aux saltimbanques du métro est l’œuvre de William Bratton, le chef de la police new-yorkaise. Nommé en janvier dernier par Bill de Blasio, ce dernier avait occupé les mêmes fonctions dans les années 1990, sous l’ère du maire conservateur Rudy Giuliani. Son passage au département de police de New York (NYPD) avait été marqué par la mise en œuvre d’une politique sécuritaire de tolérance zéro, autrement appelée "théorie de la vitrine cassée", doctrine selon laquelle "tout crime, même le plus insignifiant, doit être sanctionné de la manière la plus sévère qui soit pour un effet dissuasif maximum."

Aussi pour William Bratton, les 5,5 millions d’usagers quotidiens de la MTA "sont en droit d’exiger que leur trajet ne soit pas perturbé". Selon le NYPD, les acrobaties auxquelles s’adonnent certains danseurs sur les barres du métro peuvent même être facteurs d’accident. "Si l’un d’eux fait un écart, il peut blesser un passager. Et il peut également se blesser lui-même", assure un officier à CBS News. "Ces activités créent un sentiment de peur ou l’impression que nous nous moquons du désordre. Or, nous prêtons une grande attention au désordre", a ainsi fait valoir William Bratton.

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Reste qu’aux yeux de certains usagers, ce zèle sécuritaire est davantage enclin à provoquer des troubles qu’une danse hip-hop. "Quiconque emprunte régulièrement le métro new-yorkais a pu remarquer une recrudescence de la présence policière. Ce qui, pour moi, est beaucoup plus perturbant qu’un artiste essayant de glaner quelques dollars", écrit la journaliste Natasha Lennard sur le site de Vice.

Depuis le tour de vis opéré par la police, de nombreux artistes ont déserté les rames du métro pour trouver un espace public où ils ne seraient plus dans l’illégalité. "Il n’y a aucune raison qu’on se fasse enfermer pour quelque chose qu’on aime faire", affirme Andrew "Goofy" Saunders à CBS News. "Si cette répression a pour but d’améliorer la 'qualité de vie', on se demande quel mode de vie William Bratton et le NYPD veulent nous proposer, s’inquiète Natasha Lennard. Une vie où les trajets en métro se dérouleraient sans bruits et sans heurts, où les insipides et mornes wagons en métal deviendraient étrangers à la beauté et aux surprises."