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Les réfugiés palestiniens de Syrie persona non grata en Jordanie

Un rapport, publié ce jeudi par l'ONG Human Rights Watch, accuse la Jordanie de mener une politique discriminatoire à l’égard des réfugiés palestiniens de Syrie, en refusant notamment leur entrée sur son territoire.

Double peine. Alors qu’ils tentent d’échapper aux affres de la guerre, les réfugiés palestiniens qui fuient la Syrie se voient refuser l’entrée sur le territoire de la Jordanie, selon une politique discriminatoire appliquée à leur égard.

Cette accusation porte le sceau du groupe de défense des droits de l'Homme, Human Rights Watch (HWR), qui a rendu public, jeudi 8 août, un rapport accablant pour les autorités jordaniennes. L'étude en question est intitulée "Pas les bienvenus : le traitement infligé par la Jordanie aux Palestiniens fuyant la Syrie".
Une politique arbitraire
L’ONG rapporte que la Jordanie a officiellement interdit l'entrée des Palestiniens de Syrie (un pays qui compte plus de 500 000 réfugiés palestiniens) depuis janvier 2013. Elle en a aussi expulsé plus d'une centaine, parvenus à entrer dans le royaume hachémite depuis mi-2012. Pis, HWR a également révélé que les autorités avaient arbitrairement retiré la citoyenneté jordanienne à certains Palestiniens ayant vécu en Syrie de nombreuses années. Ces derniers ont été détenus ou déportés vers la Syrie sans documents d'identité. "Dans les cas d'expulsion, les autorités jordaniennes ont séparé les hommes palestiniens de leur famille et les ont expulsés, laissant dans certains cas les familles privées de leur principale source de revenu", dénonce l’ONG. 
La politique du gouvernement jordanien provoque des conséquences sociales dramatiques pour les nombreux Palestiniens en provenance de Syrie, qui ont réussi à pénétrer sur le territoire, tant ils sont "vulnérables à l'exploitation, l'arrestation et l’expulsion", déplore HRW. "Les Palestiniens sans-papiers en provenance de Syrie n'osent pas demander protection ni réparation de la part du gouvernement jordanien contre l'exploitation ou d'autres exactions." Sans compter que ces réfugiés ne peuvent pas vivre légalement dans les camps de réfugiés officiels aux côtés de leurs compagnons d’infortune syriens.
Amman évoque des raisons sécuritaires et démographiques
Ce traitement qui leur est réservé, au mépris des obligations internationales de la Jordanie, rappelle le rapport de l’ONG, tranche avec celui réservé par Amman aux ressortissants syriens ayant fui leur pays, dont au moins 600 000 sont recensés depuis le début du conflit syrien en mars 2011.
Officiellement, pour expliquer la politique du royaume, les autorités jordaniennes avancent des raisons sécuritaires et des impératifs démographiques. Lors d’une rencontre avec HRW en mai 2013, Fayez Tarawneh, chef de la Cour royale de Jordanie et ancien Premier ministre, a expliqué qu’un grand afflux de Palestiniens en provenance de Syrie "modifierait l'équilibre démographique du royaume et provoquerait l’instabilité". Il a ajouté qu'il doutait que la Jordanie soit en mesure d'expulser légalement les Palestiniens vers la Syrie, une fois le conflit terminé.
"Des réfugiés coincés dans des situations très précaires"
L’ONG souligne par ailleurs que la plupart des pays voisins de la Syrie, la Turquie mise à part, ont eux aussi imposé des restrictions drastiques d'entrée sur leur territoire pour les Palestiniens de Syrie, "laissant des milliers d'entre eux (...) face à de grands dangers". Ainsi, le Liban avait pris officiellement, début mai, des mesures compliquant sérieusement leur entrée sur son territoire. L’ONG appelle ces pays à respecter les droits de ces réfugiés à rechercher la sécurité et l'asile en dehors de la Syrie tant qu'ils sont confrontés à l'insécurité et à la persécution.
"Les politiques discriminatoires infligées par plusieurs pays de la région aux réfugiés palestiniens de Syrie réduisent sensiblement les options des familles désireuses de fuir la guerre, et qui par conséquent, se retrouvent coincés en Syrie dans des situations très précaires, souvent au milieu de zones d’affrontements intenses", explique à France 24 Nadim Houry, directeur adjoint de la division Moyen Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch.
Ce dernier espère que le rapport publié par l’ONG permettra d’attirer l’attention sur cette question, "qui reste un sujet tabou en Jordanie, au point qu’elle n’est même pas abordée en public". Et pour cause, les Palestiniens de Jordanie représentent plus de la moitié de la population du pays.