
Il y a 100 ans, l’Autriche-Hongrie déclarait la guerre à la Serbie, précipitant l’Europe dans un conflit majeur, la Première Guerre mondiale. Une offensive qui allait aussi marquer le déclin fulgurant de l’immense empire du centre de l’Europe.
La nouvelle tombe à 19 heures à Vienne. La foule assemblée depuis des heures devant les rédactions s'arrache les éditions spéciales des journaux, et aussitôt la joie se répand dans les rues de la cité, alors l'une des plus grandes du monde avec ses deux millions d’âmes.
On crie des hourras, on entonne des hymnes à la gloire de la monarchie, on jette son chapeau en l'air. Des chiffons et des drapeaux sont agités aux fenêtres. La relève de la garde devant la Hofburg se transforme en célébration populaire, accompagnée de la musique du régiment.
Les réunions patriotiques, chaudement encouragées par la propagande, se succèdent depuis le 23 juillet, le jour où l'Autriche-Hongrie a adressé un premier ultimatum à la Serbie.
La population rurale plus réservée
En revanche, dans les faubourgs et les campagnes, l'ambiance est "moins euphorique", explique Christian Ortner, le directeur du musée militaire de Vienne, interrogé par l’AFP.
Le vieil empereur, lui, se tient à l'écart, dans sa résidence champêtre de Bad Ischl. À presque 84 ans, François-Joseph est usé. Dans sa proclamation du 28 juillet, cet homme, veuf de la célèbrissime impératrice Sissi, commence par rappeler qu'il aurait voulu "épargner les lourds sacrifices de la guerre à ses peuples". L’homme est réticent à faire entrerson empire dans la guerre. Les historiens assurent que ce sont ses conseillers qui l'ont convaincu de s’y risquer.
En réalité, la guerre était décidée bien avant l'ultimatum enjoignant à Belgrade de permettre aux autorités autrichiennes d'enquêter en Serbie sur l'attentat qui, un mois plus tôt à Sarajevo, avait coûté la vie au neveu de François-Joseph et héritier de l'Empire, l'archiduc François-Ferdinand.
Mettre fin à l’indépendance de la Serbie
Cet attentat a convaincu l'Autriche-Hongrie qu'il fallait en finir avec la Serbie indépendante, soupçonnée d'alimenter l'agitation nationaliste des peuples slaves de l'Empire, notamment en Bosnie, territoire annexé par Vienne en 1908.
L'ultimatum du 23 juillet est rédigé en termes humiliants, de sorte à s'assurer d'une réponse négative. La Serbie accepte pourtant la quasi intégralité de ses conditions, demandant seulement un arbitrage international pour trancher la question de la présence d'enquêteurs autrichiens sur son sol.
Vienne ne s’embarrasse pas de cette réponse et déclare unilatéralement la guerre le 28. Sept jours plus tard, toutes les grandes puissances européennes entrent en guerre.
L'aide allemande améliore, pour quelques mois, le sort de l'armée austro-hongroise. Mais l’ouverture d'un nouveau front par l'Italie en mai 1915 achève d’affaiblir l’empire.
Après la guerre, "le pays est déchiré"
La question des nationalités dans le patchwork austro-hongrois a joué un rôle déterminant dans la dégringolade de l’empire vers la guerre. La défaite de l'empire des Habsbourg, après quatre ans de combats et de souffrances, va dissoudre cet ensemble, dépecé en plusieurs pays par les traités de l'après-guerre.
"Le pays était déchiré et n'a plus retrouvé le calme", conclut Orner. Dans la foulée, le territoire connaîtra l'austrofascisme, puis une guerre civile en 1934, et l'Anschluss (annexion) par l'Allemagne nazie en 1938, qui entraînera l'Autriche dans une nouvelle débâcle avec l'effondrement du IIIe Reich en 1945.
Comme en Allemagne, ces événements dramatiques vont éclipser le souvenir de la Première Guerre mondiale dans la mémoire des Autrichiens, qui ne commémorent guère la "catastrophe originelle" du XXe siècle.
"L'Empire exerce aujourd'hui une certaine attraction romantique", note Christian Ortner. "Mais vue avec les yeux de 2014, la marche à la guerre de juillet 1914 est aujourd'hui incompréhensible" pour les nouvelles générations, conclut-il.
Avec AFP