logo

Comment Goldman Sachs a fait plier Google

Goldman Sachs affirme que Google a accepté de bloquer l’accès à un mail envoyé par erreur à un compte Gmail. Mais la banque d’affaires veut plus : elle demande la destruction pure et simple du message.

Il fallait bien un mastodonte du calibre de Goldman Sachs pour réussir ça. La banque d’affaires américaine a assuré, mercredi 2 juillet, avoir obtenu que Google bloque l’accès à un courriel qu’un de ses collaborateurs avait envoyé par erreur à une adresse Gmail.

C’est la première fois que le géant de l’Internet empêche, sur demande d’une société privée, un internaute de lire un message qu’il a reçu, même par erreur. Goldman Sachs précise que Google lui a indiqué que le compte Gmail concerné n’avait pas été consulté depuis l’envoi, le 26 juin, du courriel de la discorde.

La banque d’affaires a souligné à quel point cette erreur d’aiguillage d’un de ses collaborateurs externes était importante à ses yeux. “Une mesure d’urgence [était] nécessaire afin d’éviter le risque d’infliger une violation massive et inutile de la vie privée des clients de Goldman Sachs et pour éviter des dommages à la réputation [de la banque]”, avait affirmé le groupe américain.

La bourde initiale aurait, pourtant, de quoi faire sourire. À l’origine de l’affaire, un sous-traitant voulait envoyer des documents à un employé de Goldman Sachs. Mais au lieu d’entrer l’adresse interne @gs.com, il a tapé @gmail.com avant d’expédier la missive à quelqu’un qui n’a rien à voir avec la banque.

En l'occurrence, il ne s’agissait pas d’un courriel anodin, et c’est bien ça qui chiffonne le géant de la finance. Le message contenait, d’après Goldman Sachs, une liste de certains de ses clients, accompagnée de données sensibles telles que des informations sur des opérations boursières liées à ces comptes.

"Dangereux précédent"

Les responsables de Goldman Sachs ont dû être gagnés par quelques montées de sueurs froides à l’idée qu’un tel trésor se retrouve entre de mauvaises mains. La banque d’investissement ne se contente d’ailleurs pas de savoir que le courriel a été mis en quarantaine par Google. Elle veut qu’il soit purement et simplement détruit.

Une mesure extrême que le géant de l’Internet rechigne à prendre. Google assure qu’il ne peut pas et ne veut pas effacer un courrier électronique sans le consentement du récipiendaire. Dans tous les cas, le géant de l’Internet ne s’aventurerait pas sur cette pente glissante sans une décision de justice. Une telle violation de la sphère privée des communications “constituerait un dangereux précédent”, assure le site technologique américain "Engadget".

Mais pour Goldman Sachs, les informations privées de ses clients comptent davantage que l’intégrité de la boîte de réception d’un internaute lambda. C’est pourquoi la banque a soumis une demande en justice afin d’obtenir un verdict qui pourrait forcer la main à Google.

Si le tribunal venait à donner raison à la banque d’affaires, le géant de l’Internet risquerait de faire face à une nouvelle situation délicate. Après la décision de la Cour de justice de l’Union européenne de reconnaître un droit à l’oubli, 70 000 internautes ont soumis des demandes à Google pour voir des contenus sur le Net les mettant en cause disparaître du moteur de recherche en Europe. Si Goldman Sachs obtient la destruction de l’email, combien de personnes vont vouloir que le géant de l’Internet fasse disparaître des mails qu’ils ont envoyés “par erreur” ?