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Mauritanie : Abdel Aziz, vainqueur annoncé d’une présidentielle sans opposition

Accusé d’autoritarisme par l’opposition, l’ancien putschiste et actuel chef de l’État mauritanien est assuré de remporter la présidentielle, samedi. Parcours d’un ex-général qui a bâti sa réputation sur la lutte contre le terrorisme au Sahel.

Sa réélection à la tête de la Mauritanie ne fait quasiment aucun doute. Candidat à sa propre succession, le chef de l’État sortant Mohamed Ould Abdel Aziz est assuré, faute d'adversaires, de remporter la présidentielle de ce samedi 21 juin. Les principaux opposants ont en effet décidé de boycotter un scrutin dont ils jugent l’organisation "unilatérale". Et les quatre autres postulants ayant maintenu leur candidature sont considérés par beaucoup comme des faire-valoir.

Six mois après des élections législatives et municipales que son parti, l'Union pour la République (UPR), a remportées sur le fil (74 sièges sur les 147 que compte l'Assemblée nationale, 154 communes sur 218), le président mauritanien s’apprête ainsi à remporter une nouvelle victoire dans les urnes. Mais plus que l’issue final de l’élection, c’est le taux de participation qui déterminera la véritable popularité du sortant. Une forte abstention témoignerait effectivement de la capacité de l'opposition à se faire entendre par une importante partie des Mauritaniens.

Mouvements de contestation

Élu en 2009, un an après avoir dirigé le putsch militaire contre Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, qui restera comme le premier président civil élu démocratiquement en Mauritanie, le discret Mohamed Ould Abdel Aziz, 57 ans, fait face depuis quelques années à des mouvements de colère de ses concitoyens. Au premier rang desquels, les Négro-Mauritaniens qui, en 2011, se sont opposés au processus de recensement destiné à doter le pays d’un état civil biométrique fiable. Entre septembre et octobre 2011, plusieurs rassemblements de cette communauté avaient viré à l’émeute, faisant plusieurs blessés et un mort.

La jeunesse mauritanienne a elle aussi plusieurs fois exprimé sa colère dans la rue. Toujours en 2011, dans le sillage du Printemps arabe, plusieurs manifestations réclamant le départ du président "Aziz" s’étaient tenues dans le pays, sans toutefois menacer le pouvoir.

Mais c’est surtout auprès des différentes composantes politiques du pays que Mohamed Ould Abdel Aziz n’est pas tout à fait parvenu à instaurer un climat confiance. Plusieurs fois appelé à renouer le dialogue avec les partis d’opposition, le chef de l’État est régulièrement accusé d’aggraver la crise politique qui secoue son pays. En avril dernier, les pourparlers censés définir collégialement les conditions d’une élection présidentielle transparente n’ont jamais abouti, le Forum national pour la démocratie et l'unité (FNDU), l’une des plus importantes coalitions d’opposition, dénonçant la "gestion solitaire du pouvoir".

Blessé "par erreur" à l’abdomen

En dépit de ces quelques soubresauts, la présidence Abdel Aziz fait preuve de stabilité. En 2012, blessé à l'abdomen "par erreur" par des soldats de son armée près de Nouakchott, la capitale, le chef de l’État avait dû passer plusieurs semaines en France pour se soigner. Durant cette absence, son régime, alors sous la direction de son compagnon de toujours, le général Mohamed Ould Ghazouani, chef de l'armée, n'a jamais été ébranlé.

L'actuel chef de l'État, ancien général de la garde présidentielle diplômé de l'Académie royale militaire de Meknès, au Maroc, a su faire de l’armée de son pays un rempart contre toute menace intérieure comme extérieure. Bien qu’il ait depuis longtemps troqué le treillis militaire pour le sombre costume-cravate, il reste, pour beaucoup, un homme à poigne dont la détermination a permis de lutter efficacement contre les groupes islamistes armés qui semaient la terreur en Mauritanie à son arrivée au pouvoir.

Aujourd’hui à la tête du "G5 Sahel", qu’il a créé en février dernier afin d'assurer la sécurité des frontières de cinq pays sahéliens (Mali, Niger, Burkina Faso, Tchad et Mauritanie), le numéro un mauritanien a fait de la lutte contre le terrorisme sa priorité, n'hésitant pas à ordonner, entre 2010 et 2011, des raids au Mali voisin contre des bases d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).

Pas la "prétention" d’être médiateur au Mali

Pendant cette période, des soldats mauritaniens se sont même installés dans la région de Tombouctou, dans le nord-ouest du Mali, pour y mener des opérations conjointes contre Aqmi avec l'armée malienne. Cette politique "préventive", destinée à empêcher les djihadistes d'agir sur son territoire, a porté ses fruits : les services de sécurité et l'armée ont déjoué plusieurs tentatives d'attentats, dont l'une contre le président lui-même. Depuis, plus aucun enlèvement n’a eu lieu dans le pays.

Également président en exercice de l’Union africain (UA), Mohamed Ould Abdel Aziz vient de dépêcher une force de quelque 150 hommes en Côte d'Ivoire pour la stabilisation de ce pays et s'est déclaré prêt à participer à la future force de l'ONU en Centrafrique déchirée par la guerre civile, ainsi qu'au renforcement de celle déjà en place au Mali.

Le 23 mai dernier, il a arraché un accord de cessez-le-feu après une brusque reprise de combats meurtriers entre des groupes armés touareg et arabe contre l'armée malienne à Kidal, ville du nord-est du Mali. Le président mauritanien sortant a toutefois indiqué, jeudi, qu’il n’avait pas la prétention d’endosser le rôle de médiateur dans le pays. "L'action que nous avons eu à mener récemment au Mali est une action ponctuelle qui a visé à obtenir un cessez-le-feu, ce n'est pas un règlement définitif du problème", a-t-il lors d'une conférence de presse à Akjoujt, sa ville natale située à 250 km au nord-est de Nouakchott. Et d’ajouter : "Maintenant, pour une solution définitive et durable de ce problème, il va falloir nécessairement que les Maliens eux-mêmes puissent faire l'effort nécessaire à une solution pacifique, à une paix durable." Peut-être Mohamed Ould Abdel Aziz sait-il déjà qu’il aura surtout d’autres chats à fouetter chez lui.

Avec AFP