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Le pape François en Terre sainte : un pèlerinage forcément politique

Le Vatican insiste : c'est un pèlerinage que le pape effectue en Jordanie, dans les territoires palestiniens et en Israël. Mais dans cette région ravagée par les conflits, difficile de se tenir à l'écart de la politique.

Sur fond de guerre en Syrie, d'impasse dans le conflit israélo-palestinien et de poussée islamiste au Moyen-Orient, c'est un dédale d'intérêts divergents que le pape François, populaire dans les communautés musulmane, juive et chrétienne, parcourra à Amman, Bethléem et Jérusalem. Difficile, dans ce contexte, de rester à l’écart de la politique.

Pourtant, pas question, pour le Vatican, d’en faire un déplacement politique. L’État pontifical n’a eu de cesse de le répéter : la visite du pape François en Terre sainte du 24 au 26 mai est un voyage strictement religieux, un pèlerinage avant tout. L’unité entre les chrétiens, catholiques et orthodoxes, affaiblis par leurs divisions, sera au cœur du voyage, martèle-t-on à Rome. Pour son voyage, le Saint-Père a en effet choisi le 50e anniversaire de la rencontre à Jérusalem entre son prédécesseur Paul VI et Athenagoras, le patriarche de Constantinople et chef de l’Église orthodoxe. C’est avec son successeur, Bartholomée, que le chef de l’Église catholique va commémorer l’accolade historique, et relancer le dialogue interreligieux. "Le deuxième motif du voyage est de prier pour la paix dans cette terre qui souffre tant", a toutefois précisé le Saint-Père lors de l’audience générale du mercredi 21 mai.

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"Le pape accueilli dans une très grande émotion"

Sa visite éclair de trois jours, étonnamment courte en comparaison des huit jours qu'avait passés Benoit XVI dans la région en 2009, prend des airs de marathon. Au programme : une vingtaine d’étapes, 14 discours et deux bains de foule prévus à Bethléem et à Amman. Le pape multipliera les cérémonies dans des lieux chargés de symboles : le fleuve du Jourdain, où selon la foi chrétienne, le Christ fut baptisé, la Basilique de la Nativité à Bethléem, le Saint-Sépulcre, l’Esplanade des mosquées, le Mur des Lamentations, le Mémorial du Yad Vashem et enfin Cénacle à Jérusalem. Il rencontrera également des réfugiés palestiniens et syriens.

Les propos du pape, parfois surprenant par son style novateur, vont être scrutés à la loupe au cours de ce voyage. François va-t-il  utiliser l'expression "État de Palestine" (que le Saint-Siège a reconnu en 2012) ? En quels termes parlera-t-il de la barrière de séparation, des colonies, ou des réfugiés palestiniens ? Israéliens et Palestiniens sont suspendus aux lèvres du souverain pontif.

"Pèlerin" 

Fait inédit, le pape sera accompagné par un rabbin et un professeur musulman, Abraham Skorka et Omar Abboud, de vieux amis de Buenos Aires. Un acte symbolique pour mettre à l’honneur le dialogue inter-religieux et qui selon ce pape, peut rapprocher des camps politiques irréconciliables et démontrer que la religion n'est pas un facteur de haine. "Le pape François a souhaité se situer en pèlerin, mais, pour autant, cela ne signifie pas qu’il se tiendra totalement à l’écart de la politique", estime Mgr Pascal Gollnisch, directeur général de l'Œuvre d'Orient. "En France, on a l’habitude de séparer religion et politique. Mais on doit avoir une autre démarche dans cette région", explique le religieux. "Se situer en pèlerin est en soi un acte politique : Jérusalem est une ville de pèlerinage avant tout pour les croyants des trois religions monothéistes, soit trois milliards de personnes à travers le monde. Et en soulignant cela le pape envoie un message : les politiques doivent respecter Jérusalem comme lieu saint", analyse le père Gollnisch qui sera également du voyage.

Proche de la communauté juive en Argentine, le pape François a également réussi à réchauffer les relations avec les musulmans, qui, après des relations plus tendues avec Benoît XVI, ont bien accueilli son élection. "À l'exception des ultra-orthodoxes juifs et des islamistes radicaux, juifs et musulmans attendent le pape argentin à Amman, Bethléem et Jérusalem avec un préjugé très favorable, poursuit Pascal Gollnisch. Son amitié pour le peuple juif n'est plus à démontrer. Son livre 'Sur la terre comme au ciel' avec le rabbin Skorka en témoigne".

"Sacralité de la Terre sainte"

Au cours de ce voyage, le pape François effectuera un geste inédit pour un pape : il posera une gerbe sur la tombe de Theodor Herzl, fondateur du sionisme, au cimetière du mont Herzl. Il se rendra aussi au Mur des Lamentations et au Mémorial de la Shoah de Yad Vashem, que Jean Paul II et Benoît XVI avaient honorés. "Ce dépôt de gerbe a une très grande signification", souligne Oded Ben Hur, ancien ambassadeur d'Israël au Vatican, rappelant qu'en 1904 Herzl avait sollicité en vain "le soutien du pape Pie X au retour des Juifs à Sion".Le geste n’est en revanche pas du goût des militants palestiniens. L’activiste Omar Barghout, a déploré l'hommage au "fondateur du sionisme, une idéologie raciste qui a servi à permettre et justifier le nettoyage ethnique de la plupart de la population autochtone de Palestine". Il a appelé le pape à "ne pas ternir sa visite par de tels gestes".

"Le pape sait parfaitement qu’il va essuyer des critiques des deux camps", assure monseigneur Gollnisch. "S’il passe au Mont Herzl, le symbole est le même que l’étape à Yad Vashem : cela ne signifie pas qu’il cautionne la politique du gouvernement israélien, mais plutôt qu’il souhaite souligner que la présence juive en Terre sainte n’est pas une chose à percevoir nécessairement comme une agression, que c’est compréhensible et justifiable au vu de la sacralité des lieux ". Au cours de son voyage, le pape devrait rencontrer le président de l’autorité palestinienne Mahmoud Abbas, mais aussi le président israélien Shimon Peres et son Premier ministre Benjamin Netanyahou.