
Des militants participent à une manifestation pour la transition vers la fin des énergies fossiles à la COP30, mercredi 19 novembre 2025, à Belém, au Brésil. © Andre Penner, AP
Dernière ligne droite pour les négociateurs de la COP30. Alors que le grand rendez-vous sur le climat est censé s'achever vendredi 21 novembre dans la soirée, tout s'accélère dans les couloirs du vaste hangar où se tient la conférence. Les allées et venues des délégations et les réunions se multiplient désormais jusque tard dans la nuit. L'objectif : que les 194 parties présentes parviennent, dans les prochaines heures, à l'élaboration d'un texte adopté à l'unanimité, qui reflète les ambitions mondiales dans la lutte contre le dérèglement climatique.
Après dix jours plutôt marqués par des conversations informelles et des manifestations des peuples autochtones, les discussions se sont intensifiées mardi 17 novembre. Face à la menace que cette COP30 n'aboutisse à aucune avancée majeure, son président André Correa do Lago a convoqué un "mutirao" - un mot issu d'un dialecte amérindien qui appelle à la mobilisation collective pour une tâche commune. Dès le lendemain, il présentait un premier brouillon de texte d'accord nommé la "mutirao decision". Long de neuf pages, ce document liste 58 points de négociation.
Mais, depuis, les débats patinent, chaque pays campant sur ses positions. Jeudi 20 novembre, alors qu'un nouveau brouillon du texte est attendu, tout reste à trancher et la COP30 semble filer droit vers d'interminables prolongations. Le texte sur lequel les négociateurs planchent désormais nuit et jour aborde les sujets les plus clivants. Parmi eux, les énergies fossiles et les financements pour les pays en développement.
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Organiser la sortie des énergies fossiles
Premier sujet de crispations : les énergies fossiles - le pétrole, le gaz et le charbon -, premières responsables du dérèglement climatique. Le sujet n'était pas à l'agenda officiel de Belém, et pourtant, il s'est imposé rapidement comme enjeu majeur des débats.
Et c'est le Brésil lui-même qui a lancé les hostilités. Il y a deux ans, lors de la COP28 aux Émirats arabes unis, les États étaient parvenus, après une longue bataille sur les mots, à un accord sur le fil pour entériner l'ambition d'une "transition hors des énergies fossiles". Mais depuis, aucune suite n'a été donnée.
À l'ouverture de la COP30, le président Lula a lui-même appelé à créer une "feuille de route" pour mettre fin à la dépendance au gaz, au pétrole et au charbon. Et jour après jour, le projet a pris. Désormais une coalition de plus de 80 pays, dont la Colombie, le Maroc, le Kenya, les îles Marshall, le Royaume-Uni ou encore la France, soutient le projet.
Concrètement, l'objectif aujourd'hui n'est pas de déterminer le contenu de cette feuille de route ou d'imposer une date butoir pour sortir des énergies fossiles. Cela serait l'étape d'après, aux COP31 et COP32. Il s'agit là uniquement de poser un premier jalon et d'affirmer la nécessité de réfléchir à cette feuille de route.
"Il faut montrer à la société que nous voulons" sortir de la dépendance aux fossiles, a insisté Luiz Inacio Lula da Silva lors d'une conférence de presse mercredi, avant d'aussitôt préciser : "Sans imposer quoi que ce soit à personne, sans fixer de délai, pour que chaque pays puisse décider des choses qu'il peut faire à son rythme, selon ses possibilités".
Une première étape à saluer, selon Fanny Petitbon, responsable France de l'ONG 350.org. "Il y a deux mois, personne n’aurait parié qu’un gros tiers des pays soutiendrait une feuille de route sur les fossiles à cette COP", félicite-t-elle. "Si la présidence brésilienne veut sauver le multilatéralisme climatique, c’est le moment."
Mais le consensus sur la question paraît pour le moment encore bien lointain. Les pays producteurs de pétrole, notamment l'Arabie saoudite et l'Iran, continuent à s'y opposer fermement et dressent l'idée comme une "ligne rouge" pour un accord.
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Augmenter les financements aux pays vulnérables
L'autre sujet qui échauffe les esprits des négociateurs est d'ordre financier, sempiternel sujet de tensions dans les négociations climatiques. En 2024 en Azerbaïdjan, les pays développés avaient promis de verser au moins 300 milliards de dollars par an d'ici 2035 aux nations vulnérables pour les aider à s'adapter aux effets du dérèglement climatique et enclencher leur transition énergétique. L'accord avait immédiatement été jugé insuffisant, les pays réclamant un montant quatre fois supérieur. Et surtout, ces modalités d'application restaient très floues.
"On ne sait pas qui va financer quoi. Si ce sera du financement public, du financement privé, s'il sera alloué à l'atténuation, à l'adaptation, ou aux pertes et dommages liés au dérèglement climatique", expliquait en amont de la COP Lorelei Limousin, chargée de campagne climat à Greenpeace.
Pendant cette COP30, le sujet est donc revenu comme prévu, au centre des discussions. Les pays en développement réclament que soient cette fois inscrits des engagements plus concrets et des réponses à leurs questions : s'agira-t-il de financements sous forme de dons ou de prêts ? Cet argent sera-t-il issu de financements publics ou privés ? Par quel biais cet argent sera-t-il versé ?
Et ils réclament aussi que davantage soit fait et financé pour l'adaptation aux impacts du réchauffement climatique. À l'agenda officiel des négociations, les États doivent en effet débattre sur l'"Objectif mondial d'adaptation". Celui-ci prévoit d'une part de déterminer une centaine d'indicateurs concrets pour suivre la préparation des différents pays aux catastrophes liées au dérèglement du climat.
Surtout, il s'agit de rediscuter du financement à l'adaptation. Jusqu'ici, 26 milliards de dollars ont été versés aux pays les plus vulnérables, essentiellement sous forme de prêts, ce qui enferme les pays dans le piège de la dette. Un montant bien trop faible : selon le dernier rapport de l'ONU sur l'adaptation, 310 milliards sont nécessaires.
"Nous sommes les plus durement touchés par les effets du changement climatique", rappelle la Soudanaise Lina Yassin, négociatrice pour le groupe des pays les moins avancés.
"Les indicateurs, c’est bien, mais ça ne répare pas nos villages et nos champs balayés par les inondations", témoigne-t-elle. "Sans un mécanisme qui ne donne pas seulement des indicateurs, mais aussi de l’argent, tout ce qu’on discute ici est symbolique", insiste-t-elle, appelant à tripler les fonds versés pour l'adaptation.
Pour les Européens, elle est là, la ligne rouge. "Nous n'envisageons aucune augmentation du financement de l'adaptation", a déclaré à l'AFP Darragh O'Brien, ministre irlandais de l'Environnement. "L’UE fait plus que sa juste part", a quant à lui martelé le commissaire européen Wopke Hoekstra, rappelant que l'UE fournit déjà près de 30 % de l’argent qui est mis sur la table en termes de finance climat.
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Les mesures commerciales unilatérales en invité surprise
Dans la première ébauche du texte publié mardi, un autre paragraphe provoque des tensions dans les négociations, celui faisant allusion à des mesures commerciales unilatérales.
Cette mention vise ouvertement le mécanisme européen d’ajustement carbone aux frontières (MACF) qui entrera en vigueur le 1er janvier 2026. Ce dispositif consiste à taxer, dans les secteurs les plus polluants comme l'acier ou le ciment, les importations de marchandises provenant de pays aux normes environnementales moins strictes que celles de l'UE. Une façon, plaide-t-elle, d’éviter que les industriels ne délocalisent leur production tout en encourageant le reste du monde à diminuer ses émissions.
Mais le projet est vivement critiqué par les pays émergents et en développement, notamment l'Inde, la Chine, la Turquie ou encore l'Afrique du Sud qui y voient un protectionnisme déguisé et une mesure injuste. Selon eux, l’UE, qui a la deuxième empreinte carbone la plus large d’un point de vue historique, s’est développée pendant des années sans ces mesures restrictives qu'elles imposent désormais aux pays les moins développés sous prétexte qu'ils ne sont pas assez "verts".
"Il s’agit de l’un des éléments de notre boîte à outils climatique, qui vise à éviter que les émissions s’échappent de l’UE", a défendu le commissaire européen au climat, Wopke Hoekstra.
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Une feuille de route sur la déforestation
C'est le grand projet de Lula pour cette COP : défendre la forêt. Alors qu'il vient de lancer le "Tropical Forever Forest Facilities", un fonds de 125 milliards de dollars pour la défense des forêts tropicales, il souhaiterait aussi entériner dans l'accord final la nécessité d'une feuille de route sur la déforestation.
Plus de 8 millions d’hectares de forêt ont été perdus en 2024 dans le monde, selon l’édition 2025 de l’Evaluation de la déclaration pour les forêts menée par un réseau d’ONG, de centres de recherche, de think tanks et pilotée par l’organisme international Climate Focus. Un taux de destruction 63 % supérieur à celui prévu par la trajectoire visant l’arrêt total de la déforestation d’ici 2030. Moins clivant, le sujet doit cependant encore être débattu.
