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Netflix et le culte du big data : la traque des habitudes du télespectateur

L’arrivée du service de vidéo à la demande Netflix en France, avant la fin de l’année, devrait inquiéter ses concurrents hexagonaux à cause de la puissance des algorithmes utilisées pour générer des recommandations très précises.

À vos marques, prêts, zappez pour Netflix ! C’est ce que le très populaire service de vidéo à la demande attend des téléspectateurs français dès qu'il sera disponible dans l’Hexagone. Il n’y a plus que quelques mois à patienter pour savoir si les désirs de Netflix vont devenir réalité. Le groupe californien a confirmé, mercredi 21 mai, son arrivée en France avant la fin de l’année.

Pour convertir les amateurs de films et séries à son offre, Netflix peut, certes, s’appuyer sur ses créations originales à succès comme “House of Cards” ou encore “Orange is the new black”. Mais le groupe amène surtout dans ses bagages son arme ultime : un système de recommandations très poussé, basé sur un amour presque immodéré pour l’analyse d’un grand nombre de données. Ce quasi-culte voué au dieu du “big data” est considéré comme l’une des clefs du succès de Netflix.

Cette approche permet à la société d’offrir un service bien plus personnalisé que la plupart de ses concurrents. Ainsi, il existe certes des catégories classiques comme les “films les plus populaires” ou un classement par genre. Mais, un utilisateur de Netflix peut se retrouver avec une catégorie “films traitant du voyage dans le temps et réalisés dans les années 80”, si, par exemple, il a démontré un intérêt pour “Retour vers le futur” ou pour l’acteur Michael J. Fox.

Et ça marche. Le groupe se vante ainsi que 75 % des programmes consommés le sont grâce à son système de recommandations et non pas par le biais du moteur de recherche. Huit cents ingénieurs travaillent, d’ailleurs, à l’analyse des données collectées auprès des utilisateurs et à l’amélioration des algorithmes utilisés pour proposer le bon film au bon moment.

“Jurassic Park” ou “Munich” ?

Cette addiction aux données remonte à loin pour Netflix. En 2007, le groupe s’est rendu célèbre pour avoir lancé un grand concours, ouvert à tous, pour améliorer son algorithme de recommandation en utilisant uniquement les notes attribuées aux films par les téléspectateurs. Le gagnant, désigné en 2009, a empoché un million de dollars.

Depuis lors le système a beaucoup évolué. L’historique des programmes visionnés et les notes attribuées ne sont plus que quelques gouttes dans un océan de paramètres. Le fonctionnement des algorithmes de Netflix est, évidemment, un secret bien gardé. Mais les responsables du groupe ont livré quelques clefs dans une interview accordée, fin 2013, au magazine américain "Wired" et sur leur blog.

Avec plus de cinq milliards d’heures de vidéos consommées sur Netflix sur les seuls trois derniers mois de 2013, il y a de quoi se constituer une importante base de données. On y trouve, tout d’abord, les metadata (nom du film, des acteurs, du réalisateur ou encore année et lieu de tournage) qui peuvent, notamment, permettre de faire des suggestions par similarité.

Mais comme l’explique à Wired Carlos Gomez-Uribe, vice-président de la branche innovation produit, “tous les Spielberg ne se ressemblent pas”. Le public de “Jurassic Park” n’est pas forcément le même que celui de “Munich”. Il faut donc prendre en compte d’autres données disponibles pour mieux anticiper les désirs des téléspectateurs. “C’est à ce prix qu’ils ne se désabonneront pas”, assure le M. algorithme de Netlix.

“House of Data”

Heureusement pour le groupe, il y a pléthore de données à disposition. Les habitudes de navigation sur le site, comme le temps passé sur la fiche d’un film ou le nombre de fois qu’une section particulière (comédie romantique, série policière etc.) est visitée peut donner de précieuses informations. Netflix est aussi capable de faire la différence entre le type de programme consulté depuis un ordinateur, l’application Netflix intégrée à une console de jeu ou encore sur son téléphone portable. Recommander un court épisode d’une série humoristique à quelqu’un qui ouvre Netflix sur son iPhone peut s’avérer plus judicieux que de lui suggérer un film de trois heures.

Il n’y a pas que le support qui entre en compte. L’heure et le jour peuvent également servir. Après une longue journée de travail, les “gens n’ont peut-être pas envie de regarder ‘La liste de Schindler’, même s’ils ont donné cinq étoiles à ce film”, souligne Carlos Gomez-Uribe.

Comme si cela ne suffisait pas, Netflix a, aussi, lancé un petit jeu sur Playstation 3 en 2013. Baptisé Max, il s’agit de mieux cerner encore les préférences. Ce programme demande à l’utilisateur de lui indiquer son humeur, puis il lui propose de noter une série de films appartenant à un genre cinématographique. Encore des données à ajouter à la grande marmite “big data” du groupe.

Une boulimie d’informations que Netflix a, par ailleurs, utilisé pour ses œuvres originales. “House of cards” a été la première série créée en partie grâce au big data. La société californienne savait qu’une grande partie des utilisateurs de son service appréciaient la série originale britannique “House of Cards”, que les mêmes appréciaient Kevin Spacey et David Fincher (le producteur de “House of Cards” version Netflix). Comme le souligne le “New York Times”, le succès de cette première création originale a prouvé que Netflix “savait avant les téléspectateurs ce qu’ils voulaient regarder”.