
L’ancien chargé des relations extérieures du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) a créé son propre mouvement rebelle touareg au Nord-Mali, la Coalition du peuple pour l'Azawad (CPA). Objectif : relancer les négociations avec Bamako.
Des tensions qui agitent depuis plusieurs mois le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) vient de naître un groupe dissident. Mardi 18 mars, Ibrahim Ag Mohamed Assaleh, ancien haut cadre du mouvement indépendantiste touareg, a officiellement lancé son propre mouvement politico-militaire : la Coalition du peuple pour l'Azawad (CPA).
"Après concertation avec plusieurs proches, nous avons décidé de faire cette déclaration officielle à l'intérieur et non à l'extérieur des frontières de l'Azawad, afin de mieux représenter son peuple", a expliqué Ag Mohamed Assaleh, joint par téléphone par "Jeune Afrique".
Cette dissidence devait être officialisée à Alger, mais c'est finalement à Hassi Labyad, à 350 kilomètres au nord-ouest de Tombouctou, que la naissance de la CPA a été proclamée.
"Une carte très opportuniste"
André Bourgeot, directeur de recherche au CNRS, voit dans cette annonce d'Ag Mohamed Assaleh la volonté de "rebondir politiquement". L'ancien député du cercle de Bourem, dans la région de Gao, faisait partie de la délégation touareg lors des négociations de juin dernier à Ouagadougou (Burkina Faso), sous l'égide de la Cédéao, censées trouver une issue aux revendications du Nord-Mali. Mais son positionnement, jugé trop proche des intérêts de Bamako, n'a pas été du goût du secrétaire général du MNLA, Bilal Ag Chérif, qui a choisi de le mettre à l'écart. Peu après la naissance de la CPA, le leader du nouveau mouvement touareg a d'ailleurs expliqué à "Jeune Afrique" vouloir "faire appel aux autorités de Bamako pour mettre en œuvre le processus de Ouagadougou", bloqué depuis plusieurs mois. Pour André Bourgeot, Ag Mohamed Assaleh "joue une carte très opportuniste". "S'étant retrouvé isolé à Ouagadougou, il veut maintenant rééquilibrer les choses", explique le chercheur.
Mais sur qui peut-il s'appuyer ? Dans l'interview qu'il avait accordée le 10 mars à "Jeune Afrique", il revendiquait le soutien "d'une majorité des cadres du MNLA" et disait pouvoir compter sur "près de 8 000 combattants armés". Sur le premier point, le chargé de communication du MNLA, Mossa Ag Attaher, a tenu à préciser dans un communiqué publié le 11 mars que "le mouvement n'a enregistré aucune dissidence au sein de son bureau politique". Quant au nombre de combattants revendiqués par le leader du CPA, "8 000 ne tient pas la route", assure André Bourgeot qui juge ce chiffre "pas très sérieux".
Renforce la "confusion" qui règne au Nord
En déplacement au Niger, Ibrahim Ag Mohamed Assaleh n'était pas présent, mardi 18 mars, à Hassi Labyad pour la création de la CPA. Mais il a affirmé à "Jeune Afrique" que plusieurs anciens membres du MNLA, mais aussi du Mouvement arabe de l'Azawad (MAA), et du Haut conseil pour l'unité de l'Azawad (HCUA), ont pris part à la réunion de lancement et rallié le nouveau mouvement touareg.
Selon André Bourgeot, la création de ce nouveau mouvement touareg "sème la confusion dans la situation politique du Nord déjà très perturbée". Occupé entre 2012 et début 2013 par des groupes armés incluant des rebelles touareg et des groupes djihadistes, le Nord-Mali est toujours en proie à l’instabilité. Malgré la médiation des forces de paix franco-africaines, Bamako et les différentes factions touareg ne sont toujours pas parvenues à un accord sur le retour de l’administration publique dans le Nord et le cantonnement des groupes armés. Une situation qui empêche le retour des centaines de milliers de personnes déplacées par le conflit. Fin février, le Bureau des Nations unies pour la coordination des Affaires humanitaires (OCHA) faisait état de 170 000 Maliens toujours réfugiés à l'étranger et de 199 000 déplacés internes dans le pays.