Marc Blondel, ancien secrétaire général de Force ouvrière (FO), est mort dimanche soir, à l'âge de 75 ans. Élu en 1989 à la tête du syndicat, cet orateur hors pair et provocateur né, a cédé sa place en 2004.
L'homme était reconnaissable à ses bretelles, son écharpe rouge et son cigare. Marc Blondel, secrétaire général du syndicat Force ouvrière (FO) entre 1989 et 2004, est mort dimanche 16 mars à l'âge de 75 ans. Durant 15 ans, celui qui, au siège de FO, avenue du Maine à Paris, se faisait appeler "le Général", a marqué d'une forte empreinte le premier syndicat de la fonction publique en France par sa forte personnalité et son verbe volontiers provoquant.
Né en mai 1938 à Courbevoie, en banlieue parisienne, Marc Blondel a passé son enfance à Hénin-Liétard, dans le Pas-de-Calais. Fils de militaire et petit-fils de mineur, il se revendique comme enfant des corons et le rappelle à l’envi. Mais l’homme est un pur produit du syndicalisme. Il adhère à FO en 1958 et en devient permanent deux ans plus tard, à l’âge de 22 ans. À 31 ans, il endosse le costume du syndicaliste professionnel pour ne plus jamais le quitter. Sans avoir travaillé, ou presque : il n’a passé que quelques années dans les bureaux des Assedic (ancienne branche de Pôle emploi).
Mais l’homme, socialiste et franc-maçon, s’est toujours défendu d’être un homme d’appareil. En 2003, interrogé sur ce sujet par des journalistes de France 2, il répond, avec son habituel air bourru : "Ça ne signifie rien. Ça veut dire quoi ? L’homme de bureau qui essaye de soumettre ? Mais moi, je n’ai aucune notion du pouvoir".
L’art du paradoxe
Pourtant, Marc Blondel a inexorablement gravi les échelons de son syndicat. En 1974, il accède au poste de secrétaire général de la fédération des employés et cadres avant de faire, six ans plus tard, son entrée au bureau confédéral. En 1989, à l'issue d'un congrès houleux marqué par une lutte fratricide avec Claude Pitous, il accède d'une courte majorité (53,6 % des voix) à la tête de FO. Une consécration. Il est réélu à une majorité écrasante (98 %) en 1992, puis en 1996 avec 85 % des voix, avant d'être ovationné lors de sa réélection pour un dernier mandat en 2000.
Pendant les 15 ans qu’il passe à la tête de FO, il exerce un pouvoir fortement personnalisé, manie la provocation, dérange, et cultive l’art du paradoxe. Celui qui, par exemple, fustige le train de vie des grands patrons régale Paris de repas pantagruéliques, renommés à travers la capitale. Et lui qui s’était battu pour le paiement des heures d’astreintes des chauffeurs routiers refuse de payer celles de ses chauffeurs personnels. La famille de l’un d’eux, Olivier Testeau, décédé en 1999, a obtenu 500 000 francs (80 000 euros) après la condamnation de FO en appel en 2000.
Malgré tout, son langage fleuri et ses manières controversées séduisent. Dès son arrivée aux commandes de Force ouvrière, il entraîne le syndicat dans une démarche plus résistante et sait faire entendre sa voix. "La Sécu vaut bien une grève !" hurle-t-il ainsi lors du mouvement d’ampleur de 1995 pour défendre le régime de retraite des fonctionnaires. Le tonitruant Marc Blondel aboie, s’oppose, ne jette jamais l’éponge. Passionné de corrida, il se révèle matador dans l’arène politique. Au point de se faire surnommer "Monsieur non, non, non" par la presse. Il s'oppose ainsi, en 2000, à la réforme de l’assurance chômage de Martine Aubry, alors Premier ministre. En 2003, il combat avec vigueur la réforme des retraites…
"Vieux pépère"
En 2004, alors qu’il est en passe de perdre sa bataille sur les retraites et la sécurité sociale, il passe la main à Jean-Claude Mailly, son ancien chef de cabinet, considéré comme son héritier. "La société change, confie-t-il au Parisien avant son départ. Mon discours n’est plus celui des jeunes. Moi, j’ai connu avant 1975 une société dans laquelle les garanties sociales étaient meilleures. […] Si je restais, je finirais par avoir un discours de vieux pépère qui parle du temps jadis". Il a alors 65 ans.
La retraite, pour Marc Blondel, n’est pas synonyme de sérénité. La justice s'intéresse de près aux affaires de cette personnalité hors du commun. En 2011, il est condamné dans le dossier des emplois fictifs de la Ville de Paris, remontant aux années 1990. Accusé d'avoir bénéficié d'un garde du corps, il avait été reconnu coupable de recel d'abus de confiance et de recel de détournement de biens publics. Il a été dispensé de peine.