
Dans une vidéo filmée en août 2024, le barrage d'Amir Kabir, à 30 kilomètres au nord-ouest de Téhéran, est rempli d'une eau bleu clair qui s'étend jusqu'aux collines. Quelques mois plus tard, le contraste est saisissant : dans une vidéo filmée depuis le même point de vue en mars 2025, l'eau a disparu, remplacée par un sol craquelé dans un paysage désolé.
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Accepter Gérer mes choixUne autre vidéo largement partagée par les Iraniens montre un groupe de motards roulant sur un sol boueux. "Vous seriez choqués si vous saviez qu'il s'agit du lit du réservoir de Latyan [à 15 kilomètres au nord-est de Téhéran, NDLR]", peut-on lire dans la légende.
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Face à cet assèchement exceptionnel, Téhéran tire la sonnette d'alarme. Les autorités se préparent à mettre en place un rationnement, avec des coupures d'approvisionnement quotidiennes qui doivent réduire la consommation d'eau au fur et à mesure que les pénuries s'aggravent, selon des fonctionnaires et des experts.
Car 70 % de l'eau de Téhéran provient de cinq barrages situés à proximité, dont ceux de Karaj et de Latyan. Mais une période de sécheresse sans précédent – depuis le début de l'année 2025, les précipitations dans la région de Téhéran ont été les plus faibles en 55 ans – signifie que les niveaux d'eau diminuent rapidement. Les médias d'État ont rapporté le 5 mars que les cinq réservoirs n'étaient remplis qu'à 13 %.
Pour autant, les phénomènes de sécheresse ne sont pas nouveaux en Iran, qui en souffre depuis plus de 40 ans. Les pénuries d'eau dans les zones rurales ont par le passé provoqué des tensions entre les agriculteurs et les autorités, accusées de mal gérer l'approvisionnement en eau.
"Personne n'y prête attention jusqu'à ce que la catastrophe se produise"
Notre Observateur Shervin [pseudonyme], expert en écologie en Iran, décrit l'aggravation de la crise :
"Si je devais décrire la situation en un mot, ce serait 'crise'. À l'heure où je vous parle, nous avons une coupure d'eau dans notre maison. Nous avons appelé la compagnie des eaux et ils nous ont dit : 'Il y a une baisse de pression dans notre système, donc il y a une coupure d'eau dans votre quartier.'"
Alors que Shervin espère un printemps pluvieux, les prévisions ne sont guère rassurantes. Ahad Vazifeh, directeur de l'organisation iranienne en charge de la gestion de la sécheresse, a déclaré le 9 mars aux médias publics qu’il ne "s’attendait pas" à un "printemps pluvieux cette année".
Dans une autre interview, le 11 mars, il a confirmé :
"Nous allons probablement rationner l'eau et, si nous ne gérons pas la situation, nous serons confrontés à une crise profonde pendant la saison chaude.
Il ne fait aucun doute que les autorités devront rationner l'eau dans les jours à venir. Nous allons devoir nous habituer à nous passer d'eau pendant des heures chaque jour. Même les responsables de la compagnie des eaux le disent. Mais c'est comme pour tout : personne n'y prête attention jusqu'à ce que la catastrophe se produise."

En Iran, les précipitations annuelles ont diminué de 46 % par rapport à la moyenne sur long terme du pays, calculée sur les 54 dernières années. Si l'on combine la capacité des cinq principaux barrages qui alimentent Téhéran, des sources industrielles indiquent qu'ils ne sont remplis qu'à 6 % – alors que le chiffre officiel est de 13 %.
Neuf millions de personnes dans la seule ville de Téhéran, et 14 millions dans la province de Téhéran, n'auront bientôt plus d'eau à boire ou pour répondre aux besoins d'hygiène de base. S'il ne pleut pas dans les semaines à venir – et il faudrait beaucoup de pluie – cette situation pourrait prendre des proportions apocalyptiques.
"C'est un fait que l'Iran connaît une sécheresse prolongée"
Pour notre Observateur, la gestion de crise prévue par les autorités n’est pas du tout adaptée à la situation :
"La solution retenue par l'État jusqu'à présent est encore pire que l'absence d'eau. Le ministère de l'Énergie, qui supervise la gestion de l'eau dans le pays, a déjà demandé à forer 250 puits profonds dans la région de Téhéran pour extraire l'eau souterraine. Mais l'eau sous Téhéran, ce sont en fait des millions de litres d'eaux usées et contaminées, chargées de polluants comme des métaux lourds et, comme toute eau usée non traitée, de nitrates cancérigènes. Ce scénario serait une catastrophe en termes de santé publique.
Une autre solution envisagée est de couper l'approvisionnement en eau de l'industrie et de l'agriculture, ce qui aura des conséquences économiques et sociales."
Si l'alarme a d'abord été déclenchée par des images partagées sur les réseaux sociaux, les données satellitaires et les archives publiques indiquent que l'Iran se dirige vers une crise bien plus grave dans les mois à venir : une pénurie d'eau sans précédent, qui affectera non seulement la capitale mais aussi l'ensemble du pays.
Selon les statistiques officielles, 57 % des réservoirs iraniens sont vides, et dans certaines provinces, ce taux atteint 98 %.
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Accepter Gérer mes choixShervin explique :
"C'est un fait que l'Iran connaît une sécheresse prolongée. Au cours d'une année normale, le pays ne reçoit qu'un tiers des précipitations en comparaison de la moyenne mondiale, et cette année, nous avons reçu moins de 45 % de ces précipitations. Pendant ce temps, la consommation continue d'augmenter en raison de la croissance démographique et de l'évolution des modes d'utilisation."

"Des millions d'Iraniens seront privés d'eau, à moins d'un miracle"
"Il faut également tenir compte de l'infrastructure défaillante. Officiellement, les réseaux de canalisations vieillissants d’Iran gaspillent 15 % de l'approvisionnement en eau du pays, mais le chiffre réel est probablement beaucoup plus élevé.
Même en 2025, les industries utilisent encore de l'eau potable dans leurs machines, et les systèmes d'irrigation obsolètes dans l'agriculture gaspillent d'énormes quantités d'eau. Pendant ce temps, le gouvernement continue de promouvoir l'agriculture à forte consommation d'eau au nom de 'l'indépendance'. C'est une politique irresponsable pour un pays confronté à une crise de l'eau aussi grave.
Nous ne disposons pas non plus d'un système adéquat de traitement des eaux usées, ce qui est absolument essentiel pour un pays dans cette situation.
La combinaison d'une grave sécheresse et d'une mauvaise gestion chronique nous place dans une situation que je n'ai pas les mots pour décrire. Des millions d'Iraniens n'auront bientôt plus d'eau pour satisfaire leurs besoins les plus élémentaires, à moins qu'un miracle ne se produise.