La municipalité de Menlo Park, en plein cœur de la Silicon Valley, a approuvé, mardi, à l’unanimité une proposition aux termes de laquelle Facebook devient l’employeur d’un policier municipal. Un partenariat public-privé controversé.
IIl aura l’uniforme, les compétences et les fonctions du policier municipal mais son salaire ne sera pas versé par la ville. C’est Facebook, qui s’en chargera. La municipalité de Menlo Park - en plein cœur de la Silicon Valley - a approuvé à l’unanimité, mardi 4 février, la proposition de Mark Zuckerberg, PDG du géant des réseaux sociaux. Pendant au moins trois ans, le groupe paiera le salaire de 200 000 dollars annuels (145 000 euros) de ce premier gardien de la paix américain privatisé.
Ce “Facebook Cop” devra surveiller "Belle Haven", un quartier à quelques pâtés de maison du QG du roi des réseaux sociaux. Mais cette zone géographique est, d’après le site du quotidien “San José Mercury News”, “à des années lumières” du niveau de vie moyen plutôt très élevé de cette ville. Elle se distingue par la présence de plusieurs gangs, un taux de criminalité sensiblement supérieur au reste de Menlo Park et un fort absentéisme dans les écoles de "Belle Haven".
D’après le contrat public-privé établi entre Facebook et la municipalité, le policier en question devra recueillir des informations sur les gangs du quartier, pousser les jeunes à se rendre à l’école et être l’officier de référence pour tous les actes de délinquance dans cette partie de la ville. Facebook finance donc une sorte de police de proximité à l’américaine.
L’initiative de ce partenariat inédit reviendrait à deux employés de Facebook, d’après le site de la chaîne locale “NBC Bay Area”. Ils auraient eu vent des problèmes de la municipalité pour améliorer la sécurité dans ce quartier sensible et aurait proposé, en octobre 2013, une aide financière.
Privatisation de l’ordre public ?
“C’est un accord public-privé sans précédent qui pourrait être le modèle pour le futur”, a reconnu Jim Bueermann, le président de la Police Foundation, le plus ancien syndicat policier aux États-Unis. À une époque où de plus en plus de villes croulent sous le poids des dettes, le recours à des “entreprises citoyennes” pourrait être une solution, d’après ce représentant des forces de l’ordre.
De son côté, Facebook a affirmé que son rôle dans l’affaire se bornait à signer les chèques. C’est toujours la municipalité qui donnera les ordres et supervisera le travail de ce policier d’un nouveau genre. Une manière pour le réseau social de tenter de répondre au début de polémique autour d’une éventuelle privatisation de la sécurité.
Car le “Facebook cop” n’a pas que des amis. “C’est une évolution qui m’inquiète beaucoup”, a souligné à NBC Bay Area, Alessandro De Giorgi, un professeur d’étude judiciaire à l’université de San José. Pour lui, ce n’est pas à une société privée de payer ceux qui doivent faire respecter l’ordre public et défendre l’intérêt général. “Le principe est que les services publics sont payés par tout le monde pour qu’ils soient aux bénéfices de tous”, poursuit Terry Francke, représentant de Californians Aware, une ONG qui lutte pour la transparence de la vie politique en Californie.
Pour le site américain “Salon”, ce “sponsoring” de la police par Facebook n’a pas de sens. “Si les grands groupes technologiques payaient honnêtement ce qu’elles doivent au fisc, les caisses de l’État seraient probablement bien mieux garnies pour assurer la sécurité et pas seulement dans les quartiers choisis par ces sociétés”, regrette “Salon”. Ce partenariat public-privé serait, d’après le site, la preuve par excellence qu’il y a quelque chose de pourri au royaume des services publics à l’américaine.