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Le procès de Pascal Simbikangwa, premier Rwandais jugé en France pour son implication présumée dans le génocide de 1994, entre lundi dans une phase décisive avec l'audition des premiers témoins directs des faits reprochés à l'accusé.

Le premier procès jamais organisé en France sur le génocide au Rwanda se poursuit à Paris. Lundi 24 février, il entre dans une phase décisive avec l'audition des témoins directs des faits reprochés à Pascal Simbikangwa. Cet ancien capitaine de la garde présidentielle, chargé ensuite des affaires de presse au Service central des renseignements, est accusé d'avoir organisé et armé des miliciens qui tenaient des barrages où étaient filtrés et massacrés les Tutsi d'avril à fin juillet 1994. Les cartes d'identité portaient à l'époque mention de l'ethnie. Le génocide au Rwanda a fait quelque 800 000 morts en 100 jours, principalement des Tutsi, ainsi que des Hutu "modérés".

Poursuivi pour "complicité" de génocide et crimes contre l'humanité

Ce lundi, des membres de ces milices "interahamwe", dont plusieurs eux-mêmes condamnés au Rwanda par des "gacaca" (tribunaux populaires), vont se retrouver devant le jury chargé de juger des faits commis il y a vingt ans et à des milliers de kilomètres. Ils sont agriculteurs dans la préfecture de Gisenyi, région d'origine de l'accusé dans le nord-ouest du pays, ou gardiens de maisons dans son quartier de Kiyovu-les-riches à Kigali.

La défense, qui a cherché à pointer les contradictions de certains des témoins rwandais entendus lors des trois premières semaines d'audience consacrées au "contexte" de ce procès historique, ne devrait pas manquer de poursuivre dans cette voie. La plupart des témoins s'exprimeront par le truchement d'interprètes.

Arrêté pour trafic de faux papiers dans l'île française de Mayotte, Pascal Simbikangwa est jugé au titre de la "compétence universelle" conférée par des accords avec le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), la justice française ayant refusé de l'extrader vers le Rwanda, comme elle l'a jusqu'à présent toujours fait pour les suspects de génocide. Pascal Simbikangwa est poursuivi pour "complicité" de génocide et crimes contre l'humanité, les accusations initiales de participation directe aux massacres ayant été abandonnées, les témoignages ayant été jugés trop tardifs et fragiles. Il risque la perpétuité.

Donneur d’ordres et d’instructions

Selon l'accusation, le capitaine Simbikangwa aurait participé dès le 7 avril 1994, au lendemain de l'attentat qui coûta la vie au président hutu Juvénal Habyarimana et fut le déclencheur des massacres, à une réunion dans sa région d'origine pour organiser la mise en place des "barrières" et "donner pour instruction d'aller tuer les Tutsi". Il aurait par ailleurs stocké des armes dans sa maison de la capitale pour les distribuer dans le Nord-Ouest et à Kigali, où il aurait aussi organisé les barrières et encouragé les miliciens à ne laisser "aucun Inyenzi (cancrelats, nom donné aux Tutsi) franchir leur barrage".

L'accusé, cloué dans un fauteuil roulant depuis un accident de la route en 1986, nie tout rôle dans les tueries, même s'il se revendique toujours partisan du président Habyarimana. Il affirme parfois, au grand étonnement du président de la Cour d'assises, qu'il n'avait pas vraiment compris l'ampleur des massacres, "qu'il était très difficile de savoir ce qui se passait" et qu'il y avait peu de morts dans son quartier. Il explique avoir passé la plupart du temps dans le Nord-Ouest et met en avant le fait d'avoir hébergé et sauvé des voisins tutsi de Kigali, dont plusieurs témoigneront début mars. Le procès est prévu jusqu'à mi-mars.

Avec AFP