Les Salvadoriens se rendent aux urnes pour élire leur président. Sanchez Ceren, du parti FMLN, est donné favori. Si sa victoire se confirme, il sera le premier ex-guérillero à prendre la tête de ce pays d’Amérique centrale.
Salvador Sanchez Ceren, 69 ans, candidat à la présidentielle sous la bannière du Front Farabundo Marti de libération nationale (FMLN), apparaît grand favori du scrutin du dimanche 2 février. Le dernier sondage en date (effectuée par l’Université jésuite d’Amérique centrale) lui accorde une large victoire avec 46,8 % des voix, contre 32,8 % pour son adversaire, le candidat de droite Norman Quijano.
"L’écart entre les deux premiers candidats s’est creusé ces dernières semaines, et l’avantage de Sanchez Ceren s’est accru. C’est d’abord dû au fait que l’image du FMLN s’améliore auprès de la population, mais également à l’idée de plus en plus répandue parmi les Salvadoriens que Arena (Alliance républicaine nationaliste), le parti de Quijano, ne doit pas revenir au pouvoir [ce parti a dirigé le pays sans interruption entre 1992 et 2009, NDLR]", a déclaré à FRANCE 24 Jeannette Aguilar, directrice de l’institut de sondage de l’université publique.
Le charismatique président sortant de ce petit État d’Amérique centrale, Mauricio Funes, un ancien journaliste, ne peut pas prétendre, selon la Constitution, à un deuxième mandat présidentiel consécutif. Le FMLN l’avait convaincu, en 2009, de se présenter sous ses couleurs, mais Mauricio Funes n’y a jamais adhéré, conservant son indépendance.
De la guérilla au gouvernement
Cinq ans plus tard, le FMLN, cette guérilla armée devenue parti politique, est en passe d’atteindre son but : diriger le Salvador.
Depuis la signature des accords de paix en 1992, le FMLN, qui a mené durant 23 ans une guerre dévastatrice contre le pouvoir militaire du Salvador, a tenté de faire élire un président issu de ses rangs. Mais jusqu’en 2009, tous les candidats de la formation de droite Arena ont raflé tous les scrutins présidentiels. La dernière élection, il y a cinq ans, n’a été qu’une maigre consolation pour l’ex-guérilla : si Arena n’est pas parvenu à se maintenir au pouvoir, le vainqueur, Mauricio Funes, n’était que le candidat par défaut du FMLN… Dans ce contexte, une victoire de Sanchez Ceren sonnerait comme un moment historique pour le parti.
L’ancien guérillero a grandi au sein d’une famille modeste, dans la banlieue de San Salvador. Il y devient instituteur. À la fin des années 60, mû par ses convictions communistes, il prend part aux mouvements de protestation contre le gouvernement militaire, puis rejoint les rangs de la guérilla marxiste en 1970.
Il gravit rapidement les échelons pour devenir l’un des cinq commandants du comité central du FMLN, dirigeant le front de la zone nord, proche de la frontière hondurienne. Des responsabilités qui ont fait de lui l’un des personnages clé des négociations de paix qui ont abouti à un accord au début des années 90.
Un homme discret
Mauricio Funes, lors de son élection en 2009, offre à cet homme brillant et discret la vice-présidence et le ministère de l’Éducation, deux postes qu’il conserve cinq ans. De nombreux observateurs lui prêtent une grande influence au sein du gouvernement, il est notamment considéré comme l’un des artisans de quelques-unes des réformes phare du président sortant.
Aujourd’hui, Sanchez Ceren ne semble pas avoir l’intention de trancher avec la politique menée par le président sortant. Il a promis de poursuivre - et même d’étendre - les programmes sociaux mis en place depuis 2009, notamment la gratuité des fournitures scolaires pour les enfants dans le besoin, et le programme d’aides pour les fermiers pauvres. Il a par ailleurs exprimé son souhait de voir le Salvador rejoindre le bloc pétrolier Pétrocaribe, dirigé par le gouvernement socialiste vénézuélien.
Face à lui, se présente Norman Quijano, 67 ans, dentiste et maire de la capitale San Salvador. L’homme du parti de droite Arena a principalement axé sa campagne sur la problématique sécuritaire. Car bien que le président sortant jouisse d’une belle cote de popularité, nombreux sont les Salvadoriens à critiquer son manque de dynamisme pour circonscrire le fléau de la violence. Lors de sa campagne, Norman Quijano a sorti l’artillerie lourde pour s’attirer les grâces de ses compatriotes. Il a ainsi assuré qu’il ne rechignerait pas à utiliser l’armée pour venir à bout des gangs urbains ultra-violents, très redoutés à travers le pays.
Un ancien président, potentiel faiseur de roi
Selon les sondages d’opinion, en dépit de son avance, Sanchez Ceren ne passera probablement pas la barre des 50 % , et ne coupera pas à un second tour, prévu le 9 mars. Cette configuration ferait du candidat Antonio Seca, un ancien président, donné en 3e position par les sondages, le faiseur de roi.
Les partisans d’Antonio Seca étant plutôt conservateurs, ils pourraient naturellement se diriger vers Norman Quijano en cas de second tour. Pourtant, Jeannette Aguilar doute qu’ils se tournent en masse vers le candidat d’Arena, le parti politique héritier de la dictature politique. "Les sondages montrent qu’en cas de second tour entre Ceren et Quijano, Sanchez Ceren arriverait en tête avec une avance d’environ 6 %", affirme-t-elle.
Si cette victoire se confirme, il rejoindrait l’Uruguayen José Mujica et la Brésilienne Dilma Rousseff dans les rangs des anciens guérilleros devenus présidents.