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"Musulmans et chrétiens peuvent vivre ensemble" en Centrafrique

L’archevêque de Bangui Dieudonné Nzapalainga et l'imam Oumar Kobine Layama, actuellement en tournée en Europe, ont assuré dans un entretien à FRANCE 24 qu’il n’y avait pas de "guerre confessionnelle" en Centrafrique.

Ils sont les messagers de la paix. Alors que les violences se poursuivent en Centrafrique, l’archevêque de Bangui Dieudonné Nzapalainga et l'imam Oumar Kobine Layama sillonnent l’Europe pour porter un message d’unité et de réconciliation. Et pour les deux hommes de foi, l'élection "démocratique", lundi 20 janvier, de Catherine Samba-Panza à la présidence de transition est un "espoir pour tous les Centrafricains".

"C’est une femme que nous connaissons. Nous avons échangé avec elle sur l’avenir du pays", souligne sur l'antenne de FRANCE 24 l’imam Oumar Kobine Layama. "Elle est engagée dans le processus de réconciliation, pour la paix en République centrafricaine. Elle a fait un travail en amont et dès qu’elle sera soutenue, accompagnée par les Centrafricains, par la France, par la communauté internationale, elle sera en mesure de relever le défi auquel est confrontée la République centrafricaine", insiste-t-il.

Interrogé sur le choix d’une présidente chrétienne pour succéder à l 'ex-président de transition musulman Michel Djotodia, contraint à la démission le 10 janvier 2014, l'archevêque de Bangui insiste sur la nécessité de ne pas faire de la religion un critère de choix pour diriger le pays. "Ni la religion, ni la région, ni le clan ne doivent être les critères, explique l’homme d’église. Ce qui doit être le critère, c’est le mérite. Pour cela, les règles doivent être claires. (…) Je ne pense pas que l’on puisse biaiser en utilisant l’ethnie. Nous avons vu où cela nous a conduit. De grâce, la religion ne doit pas être le critère. Relevons le débat !"

Depuis des mois, ces deux figures emblématiques de la paix en Centrafrique prêchent souvent ensemble dans les églises, les mosquées ou les camps de déplacés pour la réconciliation entre communautés musulmane et chrétienne. Un message d’autant plus capital que les violences se poursuivent dans le pays. D'après la Croix-Rouge locale, 15 personnes ont trouvé la mort jeudi dans la capitale.

Il ne s'agit pas d'une "guerre confessionnelle"

"Tous les musulmans ne sont pas en danger, rappelle l’imam Oumar Kobine Layama. Ce sont ceux qui sont dans la sphère des anti-balaka mais aussi les chrétiens à la portée des Séléka qui connaissent cette terreur. C’est pour cela que nous sommes là. Nous sommes là pour plaider pour que ceux-là soient désarmés et que la vie soit protégée."

Car pour les deux hommes de foi, il ne s’agit pas d’une guerre de religions. "Nous écartons ces termes de guerre confessionnelle parce que les leaders ne sont ni pasteurs, ni prêtres, ni imams. Ce sont des civils, insiste l’archevêque de Bangui. Le comportement que nous avons dénoncé est aux antipodes de ce que nous prêchons en tant que religieux. Nous refusons l’amalgame, le raccourci qui consiste à dire que les milices chrétiennes sont les anti-balaka et que les Séléka sont musulmans. C’est une caricature."

C’est d’ailleurs l’une des raisons qui a poussé les deux religieux à sillonner le pays et le monde. "Notre pays est un pays où musulmans et chrétiens peuvent vivre ensemble. Il est laïc, rappelle l’archevêque Dieudonné Nzapalainga. Cette cohabitation est ancienne et elle continue. C’est un signal fort que nous voulons donner à nos fidèles : attention à la manipulation à l’instrumentalisation des fibres religieuses. Nous voulons continuer à bâtir une société, une fraternité où nous seront tous des Centrafricains, travaillant main dans la main."

Un rôle primordial pour la France

Pour l’imam Oumar Kobine Layama, l’espoir repose désormais sur la communauté internationale. Elle doit soutenir cette initiative de paix en désarmant les miliciens. Une mission pour laquelle le rôle de la France est prépondérant, selon l’archevêque de Bangui qui a, avec son homologue musulman, rencontré François Hollande jeudi à l'Elysée.

"Nous attendons que la France continue de soutenir la paix centrafricaine à travers Sangaris et la Misca, qu’elle soit toujours en première ligne pour faire des plaidoyers diplomatiques afin que la force européenne bientôt et la Misca progressivement deviennent une force onusienne, ajoute-t-il. Les besoins sont énormes en République centrafricaine, au niveau de l’infrastructure, de la reconstruction militaire, de l’armée nationale, de la sécurisation. Le nombre annoncé [500, NDLR] est certes louable mais il est en deçà de la réalité. Le pays est grand. Il va falloir trouver des hommes pour sécuriser, reconstruire ensemble avec les Centrafricains."