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Le Brésil a préféré les chasseurs suédois Gripen aux Rafale français ou aux Super Hornet américains de Boeing. Pour Dassault, c’est un revers difficile à digérer, même si le constructeur et le gouvernement tentent de minimiser le choix de Brasilia.

L’échec du Rafale au Brésil ? Tout le monde, côté français, semble vouloir le minimiser. François Hollande a assuré, jeudi 19 décembre, que c'était "prévisible" tandis que pour le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, la vente des chasseurs français au Brésil n'était pas “une priorité”. Reste que le choix de Brasilia pour les Gripen du suédois Saab afin de remplacer une partie de son ancienne flotte de Mirage français ne fait pas du bien au carnet de commandes de Dassault.

Le contrat remporté par la Suède, au détriment de la France et des Super Hornet américains de Boeing, est en effet conséquent. Cinq milliards de dollars (environ 3 milliards d’euros) seront versés sur dix ans à Saab en échange de la livraison de 36 Gripen de dernière génération.

C’est aussi un sacré revers pour la France, qui a longtemps cru être très bien placée. Paris n’a jamais ménagé ses efforts diplomatiques pour remporter cet appel d’offre, ouvert depuis près de 20 ans. À tel point que l’ancien président Nicolas Sarkozy avait affirmé à tort en 2009 que Dassault avait d'ores et déjà remporté l'appel d'offre.

Que s’est-il passé ? Et quel peut être le poids de cet échec dans les autres négociations en cours de Dassault, notamment en Inde et dans les pays du Golfe persique ? Revue de détail des enseignements du camouflet brésilien.

Pourquoi Gripen ? Saab est un peu le gagnant surprise de ce méga-contrat. Les analystes misaient plutôt sur un duel entre Dassault et Boeing. Celso Amorim, le ministre brésilien de la Défense, a assuré que ce choix reposait sur l’assurance de bénéficier d’un transfert de technologie aussi complet que possible, sur le prix de l'avion et le coût de son entretien.

- Rafale trop cher. La plupart des observateurs s'accordent à dire que le Rafale était trop onéreux à la fois en tant qu’avion, mais aussi et surtout car il est très cher d’entretenir ce concentré de technologies de pointe. “Le marché de ce type d'avion est très étroit. Très peu de pays peuvent se payer un avion aussi sophistiqué”, a reconnu Louis Gallois, commissaire général à l’investissement, sur BFMTV.

Dans un contexte de ralentissement économique et de coupes budgétaires au Brésil, Dilma Rousseff a préféré la solution la moins onéreuse. Surtout, comme le rappelle le ministre brésilien de la Défense, le Brésil “souhaite rester un pays pacifique” qui n’utilisera ses avions que pour des missions à l’intérieur de ses frontières. Pas besoin dans ces conditions de se payer le nec plus ultra.

- L'effet Snowden. Le Brésil aurait alors pu opter pour la solution de compromis que représente les Super Hornet de Boeing. Mais c’est là qu’intervient l’autre aspect, plus politique, de la décision de Dilma Rousseff. “Les controverses autour de la NSA et des révélations d’Edward Snowden ont gâché les chances de Boeing”, explique au "Financial Times" David Fleischer, un analyste politique américain rattaché à l’Université de Brasilia. Le Brésil aurait, d’après lui, opté pour le pays politiquement le plus “neutre” des trois. Un argument qui a joué en faveur de Saab, dont Dassault est parfaitement conscient. Dans un communiqué, le constructeur français regrette ainsi que “que le choix se porte sur le Gripen, doté de nombreux équipements d’origine tierce, notamment américaine”.

Y a-t-il une vie après le Brésil ? Après la Corée du Sud, les Pays-Bas, Singapour, le Maroc et même la Suisse (qui vient également de choisir les Gripen de Saab), le refus du Brésil ressemble à l'échec de trop.

Il devient d’autant plus urgent pour le Rafale de trouver preneur que l’État français a décidé de baisser ses commandes d’avion à Dassault, en soulignant que le groupe devait être plus performant à l’export.

- L'ami indien. Dassault estime qu'en dépit des apparences, le groupe est sur la bonne voie… notamment en Inde : “Je vous rappelle que l'Inde a pris la décision [d’acheter des Rafale] et qu'aujourd'hui, il reste [seulement] des décisions techniques à prendre. Donc il faut arrêter de dire que le Rafale n'est pas vendu”, s’est défendu, mercredi Olivier Dassault, héritier du géant industriel français.

La conclusion définitive du contrat avec l’Inde permettrait en effet à Dassault de respirer. Les négociations portent sur la livraison de 126 appareils et devraient rapporter 12 milliards de dollars (près de 9 milliards d’euros) à l’avionneur français.

Mais là encore, dans un contexte de restriction budgétaire, New Delhi compte bien tirer le maximum de l’éventuel versement d’une telle somme. Transfert de technologie, partenariats étroits avec des entreprises indiennes : autant de “détails” techniques qui doivent encore être finalisés et qui font traîner les négociations en longueur.

- Les contrats du Golfe. Du coup, c’est peut-être du côté des pays du Golfe, moins regardant sur la dépense, que les premières bonnes nouvelles viendront pour Dassault. Le Qatar serait pressé d’acheter 36 nouveaux avions de combat pour étoffer sa flotte qui ne compte actuellement que 12 avions (des Mirages français). Le Rafale y est en concurrence avec le Typhoon du consortium européen Eurofighter.

Les Émirats Arabes Unis sont également des acheteurs potentiels de Rafale. Là encore, Dassault fait face à Eurofighter pour remporter un contrat qui porte sur 60 avions. Dans le cas d’Abou Dhabi, personne ou presque ne s’attend à ce que des négociations, qui traînent depuis 2008, aboutissent rapidement. Mais la démonstration de force militaire française en Libye aurait, d'après "La Tribune", laissé aux Émirats Arabes Unis une très bonne image du Rafale.