
Alors que les électeurs israéliens sont appelés mardi aux urnes pour choisir leurs maires et leurs conseils municipaux, à Nazareth, la députée arabe israélienne Haneen Zoabi pourrait devenir la première femme arabe à diriger une ville.
On la présente souvent comme la pasionaria palestinienne. Haneen Zoabi, députée du Balad (gauche nationaliste arabe), ne recule jamais devant l’adversité. Bien au contraire. Cette Arabe israélienne, engagée dans le combat politique depuis de nombreuses années, est la seule femme à se présenter ce mardi 22 octobre au poste de maire dans la ville arabe la plus peuplée d'Israël : Nazareth.
“Certains pensent que voter pour un homme est plus raisonnable, plus sûr, explique-t-elle à Reuters. Le fait qu’une femme se présente à la mairie pour la première fois est un message culturel, politique et social qui apporte un changement qu’on le veuille ou non. Je pense que nous avons les capacités de gagner et d’apporter le changement que Nazareth souhaite. Nazareth a besoin de changement."
Bien que les sondages lui donnent peu de chances de l’emporter face au maire chrétien sortant, le communiste Ramiz Jaraïsi, Haneen Zoabi rêve de faire de Nazareth une ville moderne. Car la ville de Galilée, peuplée de 80 000 âmes, semble toujours vivre dans un autre siècle. Alors qu’elle accueille de nombreux touristes, Nazareth n’a aucun cinéma, près de 4 000 logements ne sont toujours pas reliés à l’électricité, la circulation est saturée, les équipements publics sont presque inexistants.
Représentante des "chrétiens comme des musulmans"
"Nazareth a besoin d'élus qui défendent ses intérêts de façon plus énergique. Qu'il s'agisse de sécurité, d'économie ou d'éducation, l'État juif ne s'occupe pas des villes arabes. Pour ma part, j'emmènerai les 80 000 habitants de Nazareth manifester sous les fenêtres de Benjamin Netanyahou jusqu'à ce qu'il se décide à entendre leurs demandes", a-t-elle promis lors de sa campagne, rappelle "Le Figaro".
Haneen Zoabi entend faire de sa ville natale, le centre culturel des 1,6 million Palestiniens citoyens d’Israël. "Nazareth n’est pas juste une ville, a souligné dans les colonnes du "New York Times" la candidate à la mairie qui ne se présente pas sous l’étiquette de son parti. C’est le symbole de la mère-patrie que nous avons perdu", ajoute-t-elle tout en précisant qu’elle entend représenter "les chrétiens comme les musulmans".
Née à Nazareth il y a 44 ans, Haneen Zoabi a très vite montré un goût prononcé pour la politique. Dès l’âge de 12 ans, raconte ainsi le journal "Le Monde", elle interrogeait sa mère sur la Palestine. Après des études de psychologie, de philosophie et de journalisme, des "outils pour éveiller la conscience des gens", elle commence à militer au Balad en 1996. En 2009, elle devient l’un des trois députés de ce parti arabe israélien à la Knesset, le Parlement israélien.
Sa tête réclamée au Parlement
Au fil des années, sa pugnacité et son caractère bien trempé en ont fait la bête noire de la droite et de l’extrême droite. Refusant de reconnaître Israël comme "État du peuple juif", Haneen Zoabi a participé, le 31 mai 2010, à la flottille pro-palestinienne qui tentait de briser le blocus de la bande de Gaza. Une opération soldée par un bain de sang. Neuf personnes ont trouvé la mort lors du raid lancé sur le navire turc par l’armée israélienne.
Ce fait d’armes lui a valu "la confiscation de son passeport diplomatique", "la suspension de ses privilèges parlementaires" liés à son siège de députée à la Knesset ainsi que des accusations de "trahison", rappelle "Le Monde".
En décembre 2012, la Commission électorale centrale lui avait interdit pour ces motifs de se présenter aux élections législatives de janvier 2013, une décision cassée par la Cour suprême.
Loin de prôner un discours de haine, Haneen Zoabi souhaite avant tout la démocratie. Son rêve ? Un État où "juifs et Arabes pourraient vivre ensemble", rappelle "Le Monde". "Nous avons souligné la contradiction entre sionisme et démocratie : un État, c'est fait pour tous ses citoyens ; or, en Israël, l'État est d'abord pour les juifs. Un État qui se veut "juif" ne peut pas être démocratique", assure-t-elle. Rappelant qu’Israël a été bâtie en 1947 par l’expulsion de "85 % de son peuple", elle refuse le racisme et la ségrégation. "Ma patrie, la Palestine, a été violée, mais aujourd'hui, nous devons traiter les juifs israéliens, même s'ils sont là à la suite d'un viol, comme nos égaux".