, envoyée spéciale au Kenya – À cinq ans d’écart, les attaques menées à Bombay et ces derniers jours à Nairobi présentent de nombreuses similitudes. Tant dans le mode opératoire que dans les enjeux. Analyse.
En novembre 2008, la coupole du Taj Mahal de Bombay, le vénérable palace de la métropole indienne, était en feu. L’attaque terroriste qui avait mis la capitale économique de l'Inde à feu et à sang s’achevait.
itSeptembre 2013, l’épaisse colonne de fumée qui s’élevait au dessus du Westgate Mall de Nairobi donnait des sueurs froides aux habitants de l’une des plus grandes villes du continent africain. Difficile de ne pas faire de parallèle entre les deux évènements.
À Bombay comme à Nairobi, les deux commandos se sont attaqués à des lieux symboliques fréquentés par les élites locales et aussi par des Occidentaux. Dans ces deux métropoles du monde émergent, les assaillants ont eu recours à la panoplie complète de la terreur : fusillades à l'aveugle, utilisation de grenades, prise d’otages...
En 2008 comme en 2013, les autorités locales n’ont eu de cesse de clamer que la situation était sous contrôle alors que, manifestement, aux yeux du monde, c’était loin d’être le cas.
"Quand les gens verront les flammes, c’est à ce moment-là qu’ils auront peur"
"Empilez les matelas et les tapis, inondez-les d’alcool. Il faut tout brûler maintenant." En 2008, voilà les ordres que ne cessait de répéter le commanditaire pakistanais au commando terroriste retranché dans le Taj Mahal. Dans ces conversations téléphoniques interceptés par les services de sécurité, on entendait aussi le professionnel de la terreur affirmer "qu’il ne se passera rien tant que les gens ne verront pas de flammes, c’est à ce moment-là qu’ils commenceront à avoir peur".
Lundi 23 septembre au matin, quand les habitants de Nairobi ont vu s’élever de sombres volutes de fumée noire au-dessus des buildings du quartier financier de Nairobi, l’effet recherché avait fonctionné : la peur se diffusait lentement dans la ville.
Pis encore, ce stratagème jetait le discrédit sur les déclarations des forces de sécurité. Tous ceux qui se trouvaient à proximité du centre commercial et voyaient le soleil de l’après-midi obscurci par la colonne de fumée noire ne pouvaient croire que les forces armées et la police avaient repris le "contrôle total" du Westgate Mall. La rue bourdonnait de cette rumeur selon laquelle cette fumée de mauvais augure n’était pas causée par un incendie de matelas mais plutôt par l’utilisation d’explosifs.
Le terrorisme qui agit par pollinisation transfrontalière
Au-delà de la proximité des modes operatoires entre les attaques de Bombay et Nairobi, leurs origines géographiques et idéologiques montrent de grandes similitudes. En 2008, la responsabilité des attaques fut attribuée par le gouvernement indien au voisin pakistanais. Nommement , au Lashkkar-e-Taïba, ce mouvement islamiste qui réclame le rattachement du Cachemire indien au Pakistan. Et non à Al-Qaïda auquel il est pourtant affilié.
En 2013, ce sont les Shebab somaliens qui ont revendiqué l’attaque de Nairobi. Un voisin là aussi, plus pauvre, et en proie à l’instabilité politique depuis des années.
Car Bombay et Nairobi sont deux villes qui se ressemblent. Toutes deux s’affirment comme des hubs régionaux qui attirent comme un aimant les populations rurales et pauvres ainsi que les investissements étrangers.
Tout deux affiliés à Al-Qaïda, la mouvance islamiste pakistanaise et les Shebab ont pour fonds commun un islamisme sectaire et meurtrier. Tout deux ont maintenant inscrit à leur tableau de chasse une attaque spectaculaire menée au cœur de métropoles cosmopolites, symboles d’un monde ouvert et interconnecté.
Avec l’attaque de Nairobi, le djihadisme semble ainsi se répandre par une sorte de pollinisation des méthodes et des idées par delà les frontières et les continents.