La coupure Internet, sanction phare à disposition de l'Hadopi pour lutter contre le téléchargement illégal, a été abrogée par le gouvernement ce mardi. Une décision qui marque le début de l’ère post-Hadopi.
La fin de la coupure Internet, sanction phare de la loi Hadopi, c’est simple comme un tweet. Enfin, plutôt plusieurs... La ministre française de la Culture, Aurélie Filippetti, a posté maintes fois, mardi 9 juillet, sur le célèbre service de microblogging que “la coupure Internet, c’est fini. Le changement c’est maintenant”.
Ceux qui, malgré tout, n’auraient pas compris, peuvent toujours se référer au Journal officiel. S’y trouvait, mardi matin, le décret qui abroge le texte réglementaire prévoyant qu’en cas de téléchargements illégaux répétés d’œuvres protégées, le contrevenant pouvait être privé de son accès à Internet pendant un mois au maximum.
L'Hadopi (Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet) doit en grande partie sa renommée à cette sanction massue. Pour autant, elle ne se retrouve pas, sans cette menace, désarmée dans sa lutte contre le téléchargement illégal. “La coupure d’Internet n’était qu’une peine complémentaire, le principal, c’est-à-dire une amende pouvant aller jusqu’à 1500 euros, demeure”, souligne Marie Soulez, avocate spécialiste de la propriété intellectuelle au cabinet Bensoussan.
Beaucoup de bruit pour rien ?
Cette spécialiste rappelle, en outre, que cette mise à mort ne va pas bouleverser la lutte contre le téléchargement illégal : “Cette sanction n’a été prononcée qu’une fois, le 3 juin 2013, soit trois ans après le décret qui a introduit, le 25 juin 2010, la possibilité de couper Internet en cas de négligence caractérisée de l’internaute”. ”Concrètement, c’est vrai que cela ne change pas la situation et qu’il y a un effet d’annonce évident dans cette abrogation”, renchérit Anthony Bem, avocat du droit des nouvelles technologies.
Alors beaucoup de bruit pour rien ? Aurélie Filippetti ne s’est pourtant pas gênée d’affirmer qu’il s’agissait “d’une grande victoire pour l’ensemble des citoyens français”. En fait, la décision gouvernementale revient, surtout, à mettre un terme à un symbole qui devenait encombrant pour la France. “Enfin, on abroge un texte qui n’apportait pas la bonne solution au problème du téléchargement illégal et contrevenait au droit de chacun d’accéder à Internet”, se réjouit Gérard Haas, avocat spécialisé dans les nouvelles technologies du cabinet Haas.
Cet expert rappelle ainsi qu’en 2011 “l’ONU (Organisation des nations unies) avait demandé aux États membres de protéger leurs citoyens contre les déconnexions d’Internet”. La réglementation française pouvait même être considérée comme contraire à “la Convention européenne des droits de l’Homme qui, dans son article 10, protège la liberté d’expression et les moyens de communiquer comme Internet”, précise Marie Soulez.
L'Hadopi, c’est bientôt fini
Mais le gouvernement ne compte pas s’arrêter à ce symbole. “L’Hadopi va être supprimée”, a confirmé, mardi, Aurélie Filippetti, suivant en cela les recommandations formulées mi-mai par le rapport de la mission Lescure sur la culture à l’ère numérique. Une mise à mort attendue et qui n’étonne pas les spécialistes du droit de la propriété. “Depuis l’adoption de la loi Hadopi [en 2009, NDLR] je n’ai quasiment jamais eu un client qui est venu me voir au sujet de ce dispositif”, raconte Anthony Bem. Il juge que pour ceux qui téléchargent, “c’était open bar avant Hadopi et cela continue à l’être aujourd’hui”.
Mais la disparition de l’Hadopi risque de poser un problème juridique. Si l’autorité venait à être dissoute avant l’adoption de la prochaine loi contre le téléchargement (prévue pour 2014), qui donc va faire appliquer les amendes qui, elles, restent légales ? “D’un point de vue de la procédure, l'Hadopi n’était pas nécessaire, un juge peut parfaitement être saisi par un ayant droit”, souligne Anthony Bem. Le seul avantage de l'Hadopi est qu’elle était chargée de retrouver, avec plus ou moins de succès dans les faits, les téléchargeurs fous. “Il est sûr que si l'Hadopi était dissoute sans qu’il y ait d’autorité de remplacement, cela va être un peu plus coûteux, long et lourd pour ceux qui veulent poursuivre les contrevenants à la loi”, conclut l’avocat.