logo

Une société néerlandaise veut se faire une place sur le marché compétitif des smartphones en proposant le Fairphone, premier téléphone présenté comme équitable. Pour transformer l'essai, l’entreprise doit enregistrer 5000 commandes avant mi-juin.

Dans la bataille des smartphones, les Apple, Samsung et autres vantent la puissance, le design et les fonctionnalités de leurs iPhone ou Galaxy S4. Une jeune société néerlandaise, Fairphone, veut introduire une nouvelle dimension à cette foire d’empoigne technologique en proposant le premier smartphone équitable.

L’entreprise enregistre, depuis la semaine dernière, des commandes venues de toute l’Europe (mais pas d’autres partie du monde pour des raisons de logistique) pour ce téléphone d’un nouveau genre.

Mais les arguments du commerce équitable peuvent-ils réellement permettre de se faire une place sur un marché ultra-dominé par quelques multinationales ? Fairphone a, pour l’heure, enregistré 2 700 commandes. Pour commencer à les produire, la société doit avoir l’assurance d’en vendre 5 000 avant le 14 juin. Dans ce cas, les premiers Fairphones “devraient être livrés en octobre”, assure Tessa Wernink, porte-parole de la société, contactée par FRANCE 24.

Pour 325 euros, ceux qui passent commande n’achètent pas seulement un smartphone Android (le système d’exploitation de Google) proposant un appareil photo décent et une puissance similaire à bien d’autres téléphones. L’acquéreur est surtout assuré d’utiliser un smartphone construit à partir de matériaux qui ne proviennent pas de zones de conflit où des chefs de guerre locaux amassent de l’argent sur le dos des consommateurs occidentaux.

Mines en RDC, assemblage en Chine

Une partie non négligeable des minerais utilisés pour façonner les téléphones portables modernes - tantale, étain - proviennent, en effet, de l’exploitation de mines en République démocratique du Congo (RDC) qui servent de tiroirs caisse pour des chefs de guerre locaux. Un problème qui avait poussé la législation américaine à mettre en place, dans la loi Dodd-Franck de 2010, un dispositif pour encadrer cette extraction controversée.

“La conséquence de ce texte est que les grandes marques [Apple, Samsung, NDLR] se sont retirées de la RDC sans vraiment se soucier du devenir des populations locales”, affirme Tessa Wernink. Fairphone a, de son côté, décidé de travailler sur place mais en évitant les fameuses zones de conflits sous la coupe des seigneurs de guerre. Pour y parvenir, la société a mis en place autant de garde-fous que possible. Choix de régions bien précises - le Katanga et certaines zones dans le Sud-Kivu -, collaboration avec des ONG locales, programmes d’audits réguliers et publication en ligne des partenaires avec lesquels FairPhone va travailler sur place.

La société adopte une approche similaire en Chine où les téléphones seront assemblés. “Nous avons choisi une usine qui présentait à nos yeux les meilleures garanties en terme de conditions de travail pour les ouvriers”, assure Tessa Wernink. Fairphone a opté pour A’Hong, un groupe qui exploite une usine à Shenzen, non loin de Hong-Kong. Elle a accepté le principe d’ouvrir ses portes à des visites régulières, d’auditeurs et de journalistes, et la mise en place d’un fonds social qui doit permettre d’investir au fur et à mesure dans l’amélioration des conditions de travail. “Nous aurions pu choisir de travailler avec des usines dans des pays où les standards sociaux sont plus élevés, mais notre ambition est d’essayer d’améliorer, dans la mesure de nos moyens, la situation que ce soit en Chine ou en RDC”, souligne Tessa Wernink.

Pas 100 % équitable

FairPhone veut aussi jouer la carte de la transparence. La société a déjà publié la liste de la vingtaine de sous-traitants associés à ce projet, mais ne compte pas s'arrêter là. “Dans les jours qui viennent, nous comptons également mettre en ligne le détail des coûts de fabrication de l’appareil et aussi les montants que chacun va percevoir sur les smartphones vendus”, précise Tessa Wernink.

Reste que Fairphone n’est pas 100 % équitable et le sait. “Nous ne pouvons pas, par exemple, garantir que dans les mines avec lesquelles nous travaillons, les normes de sécurité soient parfaitement respectées”, reconnaît la porte-parole de l’entreprise néerlandaise. Mais pour elle, c’est en fait une raison de plus d’acheter le Fairphone. “Une partie de l'argent que nous pourrons gagner sera réinvesti pour continuer à améliorer les conditions de travail sur place”, assure-t-elle. Un pari sur le futur sur lequel on ne peut que la croire sur parole.