La Maison Blanche a publié les mails échangés entre la CIA et le département d'État après l'attentat contre le consulat américain de Benghazi, en septembre dernier. Ces documents révèlent que toute référence officielle à Al-Qaïda a été bannie.
La publication, ce mercredi, de 100 pages d'e-mails permettra-t-elle au président Obama, empêtré dans plusieurs affaires, de souffler un peu sur le dossier libyen ? En rendant public les échanges entre le département d'État et les services de renseignement américains dans les jours qui ont suivi l'attaque de Benghazi, la Maison Blanche espère prouver qu'elle n'a pas cherché à minimiser le caractère terroriste et prémédité de cet attentat.
Dans un premier temps, Washington avait présenté l'attaque du 11 septembre 2012, responsable de la mort de quatre Américains, dont l'ambassadeur Christopher Stevens, comme la conséquence d'une manifestation spontanée consécutive à la diffusion du film islamophobe "L'innocence des musulmans". Puis, le 28 septembre, la Maison Blanche a finalement admis que l'attaque était bel et bien un acte terroriste lié à Al-Qaïda. Le Parti républicain fustige depuis la mauvaise gestion de cette affaire par l'administration Obama.
Les références à Al-Qaïda supprimées
Les e-mails révèlent les intenses négociations entre les différents services et des membres du Congrès pour produire les mots finalement utilisés par Susan Rice, alors ambassadrice des États-Unis à l'ONU. Entre le 14 septembre à 15h19 et le 15 septembre à 19h12, la validation de ses propos a mobilisé jusqu'au plus haut niveau : Victoria Nuland, le porte-parole du département d'État, David Petraeus, le directeur de la CIA, ou Ben Rhodes, l'un des conseillers du président Obama.
Les préoccupations des différents interlocuteurs apparaissent clairement à la lecture des courriers : par exemple, ne pas rendre public des éléments risquant d'interférer avec l'enquête du FBI, ou ne pas laisser penser que le département d'État avait sous-estimé les mises en garde de la CIA sur la menace terroriste dans l'est de la Libye.
Ainsi, un e-mail de Victoria Nuland stipule : "Le dernier point [des éléments de langage] pourrait être utilisé par les membres du Congrès pour accuser le département d'État de ne pas avoir fait attention aux avertissements de la CIA. Pourquoi voudrions-nous attirer l'attention là-dessus ?"
Résultat, au fil des échanges, les éléments de langage sont considérablement modifiés, jusqu'à ce qu'une version "allégée" soit acceptée par tous :
- toute référence au groupe terroriste Al-Qaïda est supprimée;
- toute référence à une possible implication des membres du groupe islamiste Ansar Al-Charia disparaît;
- le texte n'évoque plus le grand nombre d'armes et de combattants expérimentés présents en Libye;
- La mention des nombreux avertissements et rapports établis par la CIA, avant l'attaque, sur le risque d'attentat lié à la présence d'extrémistes à Benghazi et dans l'est du pays a complètement disparu.
La Maison Blanche tente de se dédouaner
Selon la Maison Blanche, ces documents prouvent qu'elle n'a rien manipulé : ce sont surtout les responsables des services de renseignement et du département d'État qui ont voulu modifier le texte, les proches du président Obama ayant seulement fait office de médiateurs dans ces discussions.
Le 14 septembre, par exemple, alors que le texte affirme encore : "Nous savons que des extrémistes liés à Al-Qaïda ont participé à cette attaque", un analyste de la CIA s'interroge : "Savons-nous vraiment que des islamistes liés à Al-Qaïda sont impliqués ?"
Quelques heures plus tard, Michael J. Morell, le numéro deux de la CIA, prend lui-même l'initiative de supprimer toutes les références aux mises en garde de l'agence et aux précédentes attaques terroristes dans le pays.
La publication de ces e-mails n'apporte aucun fait nouveau sur les évènements qui ont conduit à la mort de l’ambassadeur américain. Et ne devrait pas suffire à faire taire les critiques à Washington.
Le président de la Chambre des représentants, le conservateur John Boehner, a déjà fait savoir que ces courriers ne l'avaient ni satisfait, ni convaincu de la bonne foi de l'administration Obama. Il réclame la publication d'autres documents.