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Syrie : "On est passé d'une révolte à une guerre de religion"

Alors que l'émissaire de l'ONU et de la Ligue arabe en Syrie, Lakhdar Brahimi, serait sur le point de démissionner, le pays continue de s'enfoncer dans le chaos. Le politologue spécialiste du Moyen-Orient Fabrice Balanche livre son analyse.

Le conflit en Syrie dure depuis plus de deux ans. D’une révolte qui a éclaté dans le sillage des Printemps arabes en 2011, le conflit s’est mué en guerre civile. En février, l’ONU dénombrait 70 000 morts, mais ce bilan est aujourd’hui largement dépassé, les combats s’étant intensifiés ces deux derniers mois.

Fabrice Balanche, maître de conférence à l'université Lyon 2 et directeur du Groupe de recherches et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient à la Maison de l’Orient, répond aux questions de FRANCE 24.

Violents combats en pays alaouite

De violents combats ont éclaté pour la première fois jeudi 2 mai entre armée syrienne et rebelles aux abords de la ville à majorité alaouite de Banias (nord-ouest), a indiqué une ONG syrienne. Ces attaques auraient fait des dizaines de morts dont des femmes et des enfants.

La région de Banias est majoritairement alaouite, comme le clan du président Bachar al-Assad, avec une population sunnite dans les villages à sa périphérie sud.
 

FRANCE 24 : Lakhdar Brahimi, l'émissaire de l’ONU et de la Ligue arabe pour la Syrie, devrait démissionner dans les jours qui viennent. Quelles options reste-t-il à la communauté internationale pour trouver une solution politique au conflit ?

Fabrice Balanche :

Il faudrait réussir à amener tous les acteurs internationaux autour d’une table et à les convaincre de cesser de prendre partie pour l’un ou l’autre camp. Mais si on fait ça, c’est le régime qui l’emporte. Parce qu’en privant l’opposition d’un soutien extérieur, le régime a assez de force et de matériel pour l’emporter, même s’il n’a plus le soutien de la Russie ou de l’Iran. En résumé, la situation ne peut pas se débloquer au niveau international. Par conséquent, on se dirige vers une poursuite des affrontements. L’ONU devrait donc, selon toute probabilité, nommer un nouveau médiateur.
La question qui se pose alors c’est : qui nommer ? Il faudrait trouver quelqu’un de la stature de Kofi Annan. Mais compte tenu de l’impasse, je vois mal quelqu’un comme lui s’épuiser dans ce conflit.
Le bain de sang risque donc de se poursuivre pendant longtemps…
F. B. : Je suis extrêmement pessimiste. Depuis le mois de mars, le régime a lancé sa contre-offensive, on assiste à une recrudescence des combats. Il y a eu 6 000 morts au

mois de mars, pareil au mois d’avril… Le compteur onusien est bloqué à 70 000 morts depuis février. Il y en a tellement qu’on ne les compte plus, c’est dire à quel point la situation est dramatique ! Officiellement, 1 400 000 Syriens se sont réfugiés dans les pays voisins. On doit maintenant en être à deux millions, sans compter les déplacés à l’intérieur du pays. On est vraiment dans une situation catastrophique.

On entre en plus dans une guerre de religion à l’échelle régionale. Au début, c’était une révolte comme en Tunisie, comme en Égypte. Après, c’est devenu une guerre civile assortie de beaucoup de problèmes communautaires dans plusieurs régions de Syrie. Aujourd’hui, avec l’arrivée de combattants du Hezbollah venus défendre les chiites du côté de Homs et le mausolée de Sayeda Zeinab, mais aussi avec l’arrivée de la brigade al-Abbas d’Irak - des combattants chiites qui viennent se battre contre des djihadistes sunnites -, on entre dans une guerre de religion. En sortir ne va pas être évident.