Au Brésil, le Conseil fédéral de médecine s'est prononcé en faveur de la dépénalisation de l’avortement. Une prise de position qui risque de se heurter à de fortes résistances de l'Église catholique, très influente dans le pays.
La question de l’avortement revient sur le devant de la scène au Brésil. L’interruption volontaire de grossesse n'est aujourd'hui autorisée dans le pays qu'en cas de viol ou de danger pour la vie de la mère. Au nom de "l'autonomie de la femme", le Conseil fédéral de médecine du Brésil et ses 27 branches régionales ont proposé, le 21 mars, d'étendre la possibilité d’avorter à des cas d'anencéphalie (absence de cerveau) et aux anomalies incurables du fœtus.
De nombreux médecins s’inquiètent de la pratique constante des avortements clandestins. "Un million d’avortements ont été pratiqués dans l’illégalité en 2005 et 180 femmes en sont mortes la même année", explique à FRANCE 24 Jean-Jacques Kourliandsky, chercheur à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) et spécialiste de l'Amérique latine. Pour les praticiens brésiliens, il s’agit d’un véritable problème de santé publique.
Face à la prise de position des médecins, les anti-avortements n'ont pas tardé à réagir. Joao Carlos Petrini, l'évêque de Camaçari (État de Bahia), a affirmé dans le journal "Folha de Sao Paulo" que la dépénalisation de l'avortement reviendrait à "favoriser la violence et la mort".
Une question qui fâche
La question de l’avortement avait déjà provoqué un affrontement violent entre l'Église et le corps médical en 2009. Le souvenir de l’archevêque de Recife, qui avait excommunié des médecins responsables de l’avortement d'une fillette de 9 ans violée par son beau-père, est encore dans tous les esprits. "Le viol est moins grave que l'avortement", avait alors déclaré le prélat brésilien pour justifier le bien-fondé de l’excommunication.
Dans le plus grand pays catholique du monde, où l'Église compte 123 millions de fidèles, l'avortement est un sujet sensible. Selon un sondage publié ce dimanche dans "Folha de Sao Paulo", une large majorité de Brésiliens souhaite que le Vatican évolue sur la question du préservatif. Mais ils seraient toujours 54 % à vouloir que l’Église conserve ses positions sur l'avortement.
Les dirigeants politiques ont successivement refusé d’évoquer la question de l’avortement tant le dossier est épineux. L'ancien président Luiz Inacio Lula da Silva, qui souhaitait en son temps que la question soit traitée comme une affaire de "santé publique", s'était attiré les foudres de l'Église catholique. En 2010, l’avortement s’était également invité dans la campagne électorale pour la présidence. L'actuelle chef de l'État, Dilma Rousseff, qui prônait alors dans son programme la légalisation de l'interruption de grossesse, avait rapidement fait machine arrière devant l’hostilité que sa proposition avait suscitée.
Le pape François, allié de poids pour les anti-avortements
Selon Jean-Jacques Kourliandsky, "la question est délicate car elle ne résulte pas d’un traditionnel clivage gauche-droite". Il cite en exemple le cas de la militante écologiste Marina Silva, réputée très à gauche sur le plan économique mais qui se présente comme une fervente opposante à l’avortement.
Désormais, le camp pro-avortement devra également composer avec le pape François, premier souverain pontife originaire d’Amérique latine et farouche opposant de l'IVG. "Il y a fort à parier que le nouveau pape use de son influence sur la région pour assurer le verrouillage des questions sociétales, comme l’avortement", assure Jean-Jacques Kourliandsky. Les prochaines Journées mondiales de la jeunesse (JMJ), qui se dérouleront au Brésil du 23 au 28 juillet, seront l’occasion pour le nouveau pape de réaffirmer son discours en la matière.