Double champion du monde de Taekwondo, Daba Modibo Keita est l'un des sportifs maliens les plus respectés. Depuis des mois, il a assisté avec inquiétude aux événements dans son pays. Il espère désormais que le sport va contribuer à ressouder le Mali.
Avec ses 2m05 pour 105kg, Daba Modibo Keita est un colosse. Depuis une quinzaine d’années, ce Malien est la terreur des tournois de Taekwondo. Double champion du monde des poids lourds (2007, 2009), il est surnommé "le gladiateur". Mais lorsqu’il évoque son pays, le combattant fend l’armure. Ces derniers mois, son esprit a plus été accaparé par les troubles au Mali que par sa carrière sportive.
"Avant la libération du nord du pays par les troupes françaises, j’étais surtout chez moi à Bamako. Les rebelles islamistes nous ont inquiétés car ils étaient tout près d’arriver dans la ville. On était vraiment en danger", raconte le taekwondoïste, joint par téléphone par FRANCE 24.
Une inquiétude permanente
L’an dernier déjà, sa préparation pour les Jeux Olympiques de Londres avait été perturbée par l’offensive islamiste. À l'époque aux États-Unis, où il s’entraîne plusieurs mois par an grâce à une bourse du CIO, il suivait quotidiennement les informations venues du Mali. "Je n’arrêtais pas de m’inquiéter pour ma famille. J’entendais parler des femmes violées, battues ou assassinées. J’ai été choqué par cette brutalité. L’Islam n’a jamais dit de tuer ou d’égorger des personnes !", confie l’athlète de confession musulmane.
"Je ne dirais pas que cela m’a pénalisé aux JO, mais j’ai été beaucoup affecté. Je suis arrivé avec pas mal de blessures physiques, et moralement la situation n’a rien arrangé", ajoute le champion qui s’était finalement incliné en demi-finale à Londres.
Une offensive salutaire
Depuis l’opération française Serval qui a permis de repousser les djihadistes, Daba Modibo Keita respire de nouveau. Dans la maison familiale de Bamako, lui et les siens ont célébré le succès de l’offensive militaire : "L’arrivée des Français a été salutaire. En mon nom personnel et en celui de tout le Mali, je remercie la France et M. Hollande pour cette décision. L’armée malienne ne manquait pas de volonté, mais elle avait un vrai problème logistique face aux tribus du Nord lourdement armées".
Le double champion du monde a aussi fêté ces derniers jours la qualification du Mali pour les demi-finales de la Coupe d’Afrique des Nations. Les Aigles seront opposés mercredi 6 février au Nigeria pour une place en finale. "Le sport est un facteur d’union pour le Mali. Il crée de l’enthousiasme dans le cœur des gens. Cette victoire a permis aux Maliens d’oublier les problèmes et a apporté beaucoup de joie", souligne le géant des tatamis.
Pour lui, il ne fait aucun doute. La guerre dans le pays va motiver les joueurs et leur permettre de décrocher le titre : "L’an passé, ils étaient déjà en demi-finale. Ce n’était pas du hasard. Ils ont le talent, ils doivent juste y croire. Ils savent que le peuple malien a besoin de cette victoire".
Objectif Rio
Daba espère lui aussi apporter de nouveau de la fierté à son pays. Depuis ses titres mondiaux et son statut de porte-drapeau lors des JO de Pékin en 2008, il se sent investi d’une mission : "J’ai envie de donner en retour. Quand on se retrouve à ce niveau, on devient un exemple. Je suis un modèle pour la jeunesse malienne. Si j’ai été champion du monde, ils peuvent aussi le devenir".
En dehors des Dojos, il se consacre ainsi à son association (ADMK), créée pour développer la pratique du sport en Afrique. Ses actions ont notamment permis d’aménager des terrains, d’organiser des tournois ou encore de faire de la prévention dans le domaine de la santé. "C’est une question d’avenir. Le sport permet de mettre les jeunes dans la bonne direction. J’ai foi en lui car il peut servir le Mali de demain", estime-t-il.
Avant de se dévouer entièrement à sa fondation, le sportif de 31 ans veut toutefois ajouter une dernière ligne à son palmarès. Même s’il n’a pas réussi à décrocher de médaille aux JO 2012, il va tout faire pour se rattraper à Rio en 2016. "C’est le seul titre qui me manque. J’ai remporté toutes les autres compétitions !".