Renoncer aux stock-options ne changera rien, estime Philippe d'Arvisenet de BNP-Paribas, pour qui seul un plan de relance coordonné au niveau mondial est en mesure de juguler les effets de la crise financière. Interview.
Trois questions à Philippe D’Arvisenet, directeur des études économiques à BNP-Paribas.
FRANCE 24 - En tant qu’économiste, comment réagissez-vous à la polémique sur les stock-options ?
Philippe D’Arvisenet - Moralement, je pense que ce débat doit avoir lieu. Mais d’un point de vue strictement économique, c’est un non sujet car, à court terme, cela ne va rien changer. Nous sommes dans une récession économique beaucoup plus profonde que beaucoup ne le croient, avec un risque de déflation qui est loin d'être négligeable.
Nous avons besoin, d'une part, de mettre en œuvre des plans de relance coordonnés au niveau mondial bien plus ambitieux que ceux qui sont déjà en place. D’autre part, le système financier n'a pas encore retrouvé un fonctionnement normal. Il convient donc de poursuivre l'assainissement des bilans dans le secteur bancaire et financier.
Pensez vous que renoncer aux stock-options est nécessaire pour l’économie française et mondiale, ou s’agit-il d’une action politique destinée à calmer l'opinion publique ?
Personnellement, je pense que cette affaire est aujourd'hui avant tout politique. Il s'agit pour les gouvernements de mieux faire accepter à l'opinion le soutien qui est prodigué au secteur financier. Même si le coût fiscal de ce soutien est nul, l'opinion considère que c'est le contribuable qui paie.
Il faut également rappeler que les stock-options distribués ne sont utilisables par leurs bénéficiaires qu'au bout de plusieurs années de détention. Il s'agit surtout d'instruments destinés à motiver les dirigeants.
Les risques inhérents à ce type de rémunération se sont matérialisés dans le passé. L’augmentation du cours des actions pouvant encourager une prise de risque excessive, c’est plutôt ce genre de dérive qu'il conviendrait d'éviter.
Etes-vous favorable à l’encadrement des salaires des grands patrons en France comme c’est le cas aux Etats-Unis ? Et quelles seront les conséquences d’une telle mesure sur les entreprises ?
Je constate qu’il y a eu, ces dernières décennies, une dérive à la hausse avec pour conséquence un écart accru de salaire entre dirigeants et simples salariés.
Cette différence renforce, à mon sens, le sentiment d’injustice chez les gens, notamment en période de crise. Il n'est donc pas étonnant que les Etats essaient d’encadrer ou, mieux encore, de cordonner au niveau international leur approche en la matière. L'absence de coordination pourrait inciter à des délocalisations des centres de décision.
De plus, lorsqu’un Etat possède des participations significatives dans une entreprise, y compris les banques, ou lorsqu'il leur apporte son aide, il peut naturellement peser sur la politique de rémunération.