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Les motivations de l'assassinat à Paris de Sakine Cansiz, Fidan Dogan et Leyla Soylemez, trois militantes kurdes, restent inconnues. Kendal Nezan, président de l’Institut kurde à Paris, espère que ce drame n’entachera pas les discussions.

Après la triple exécution de trois femmes kurdes, dont les corps ont été découverts le jeudi 10 janvier dans un immeuble du Xe arrondissement de Paris, plusieurs pistes sont évoquées pour expliquer les motivations d’un tel geste. La communauté kurde de France a accusé la Turquie d'être à l'origine des meurtres, tandis que le vice-Premier ministre Bülent Arinç a catégoriquement démenti toute responsabilité. "Tuer trois femmes de cette manière, d'une balle dans la tête (...) ce n'est absolument pas une affaire que nous pouvons approuver", a-t-il assuré.

De son côté, Hüseyin Celik, le vice-président du Parti de la justice et du développement (AKP, parti islamo-conservateur au pouvoir), n’a pas exclu l’idée d’un règlement de comptes [internes au PKK]". Même s'il a jugé qu'il était encore "trop tôt" pour tirer la moindre conclusion, le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan a tourné son regard dans la même direction.

Kendal Nezan, président de l’Institut national kurde à Paris, nous livre son regard.

FRANCE 24 : Selon vous, pour quelles raisons ces trois militantes kurdes ont-elles été tuées ?

Kendel Nezan : Ce triple meurtre intervient alors que le gouvernement turc a entamé des négociations avec le responsable du PKK, Abdullah Ocalan emprisonné depuis 1999 sur l'île-prison d'Imrali. Ce n’est certainement pas un hasard. Dans l’establishment turc, il existe des gens qui s’opposent au règlement pacifique. Pour eux, il n’y a pas de problème kurde en Turquie, mais un problème terroriste. Ils estiment qu’il faut combattre le terrorisme en éliminant tous les terroristes.

La piste d’un possible règlement de compte au sein même du PKK est également évoquée. Qu’en pensez-vous ?

K. N. : Dans le contexte actuel, c’est peu probable. Parmi d’autres hypothèses, il est évoqué l’idée que des extrémistes [en Turquie], un peu comme l’Organisation de l’Armée secrète (OAS) du temps où le général de Gaulle négociait la paix avec l’Algérie, manipulent tel ou tel groupe, comme la cellule d’extrême droite turque qu’on appelle les loups gris. Je pense également qu’il existe des groupes radicaux au sein de l’armée, qui sont tout à fait capables d’agir ainsi au nom de la défense et de la patrie. Il faut donc compter sur les autorités françaises pour qu’elles fassent rapidement la lumière sur ce meurtre politique.

Est-ce que l’exécution des trois femmes kurdes à Paris peut faire dérailler le processus de paix ?

K. N. : Malheureusement, il y a des risques. C’est un processus important pour la stabilité dans la région, qui doit aller au-delà des actes de sabotage. Les extrémistes ne doivent pas prendre le dessus. La communauté kurde demande, a minima, une amnistie générale pour tourner la page des violences, la reconnaissance de l’identité kurde et l’éducation de la langue kurde dans le pays.

Quel est l’intérêt pour le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, de mettre un terme à cette guerre qui dure depuis 1984 ?

K. N. : Il est soucieux de mettre fin aux violences liées à la rébellion kurde, notamment en vue de sa possible candidature à l'élection présidentielle de 2014. Cela fait 90 années que l’on cherche des solutions pour aboutir à une paix durable. Au total, 300 à 400 milliards de dollars ont été dépensés dans cette guerre. Pour l’heure, le seul bilan est que toute la région sud-est du pays est détruite : il n’y a plus d'élevage ni de céréales, alors qu’avant le pays exportait ce genres de biens. Il est temps de trouver un compromis.

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Kendal Nezan, président de l'Institut kurde à Paris