Dimanche 18 novembre, les adhérents de l’UMP sont appelés aux urnes pour désigner leur nouveau patron. Si dans les sondages l’avance de François Fillon est confortable, la réalité du terrain pourrait réserver quelques surprises.
Six mois après la défaite de la droite à la présidentielle et aux législatives, l’UMP est en passe de connaître son nouveau leader. Dimanche, environ 600 bureaux de vote ouvriront pour accueillir les adhérents de 9 heures à 18 heures à travers la France. "Il est
difficile de savoir combien d’entre eux feront le déplacement mais nous savons qu’actuellement, le corps électoral est d’environ 280 000 personnes", explique l’UMP, joint par FRANCE 24. Selon un sondage Ifop publié le 10 novembre dans le "JDD", seuls 43 % des sympathisants de droite et 57 % des adhérents se disent intéressés par cette élection. Des chiffres qui ne laissent pas présager une forte participation au scrutin. Pourtant, le parti organise un congrès qui, pour la première fois, est décentralisé dans chaque fédération départementale "afin d’être au plus près des électeurs", justifie l’UMP. En pratique, cette mesure devrait faciliter le vote mais aussi éviter d’importantes dépenses liées au coût d’organisation de l’événement.
L’annonce des résultats interviendra vraisemblablement dans la soirée. "Nous ne donnerons aucune estimation à 20 heures comme pour une présidentielle. Seuls les résultats définitifs seront communiqués depuis le siège par Patrice Gélard, député et président de la Commission d’organisation et de contrôle des opérations électorales (COCOE)", précise-t-on à l’UMP.
L’avance trompeuse de Fillon dans les sondages
Dimanche, les adhérents se prononceront également sur leur nouvelle charte de valeurs et choisiront plusieurs ‘mouvements’ internes. Mais ces deux votes semblent beaucoup moins intéresser les électeurs. "La charte n’est autre qu’un catalogue d’évidences. Comme dans tout mouvement politique, c’est le consensus minimal sur ce qui rassemble les membres du parti", selon Thomas Guénolé.
Quant à la création des mouvements internes, "ils n’intéressent que peu les adhérents car, contrairement au PS qui a une culture du débat entre motions concurrentes, la droite est très ‘bonapartiste’ : le vote sert surtout à sacrer un chef, comme ce fut le cas avec Nicolas Sarkozy en 2004", ajoute-t-il.
Bien que dans les sondages l'écart entre les deux candidats se soit resserré entre juin et octobre, Fillon a été donné largement vainqueur tout au long de la campagne. Une tendance confirmée par les chiffres de BVA pour i>Télé publiés vendredi, à deux jours du scrutin : l'ex-Premier ministre est crédité de 67 % d'opinions favorables contre 32 % pour l'actuel premier secrétaire de l'UMP. Cependant, parce qu’ils portent sur l’ensemble de l’électorat de droite et pas uniquement sur les adhérents, les sondages doivent être considérés avec la plus grande prudence. "Nous savons que certains profils sociologiques sont surreprésentés au sein des partis. À l’UMP, c’est le cas notamment des seniors ou des professions libérales. Ces nuances créent des dissensions énormes [entre sympathisants et électeurs] qui rendent les pronostics impossibles", estime Thomas Guénolé, politologue et maître de conférence à Sciences Po, interrogé par FRANCE 24. Selon lui, le scrutin sera beaucoup plus serré que les sondages tendent à faire croire.
Malgré leurs styles bien distincts, les deux rivaux incarnent deux lignes idéologiques tout à fait naturelles au sein de l’UMP. Ce qui explique, pour Thomas Guénolé, que les adhérents puissent pencher aussi bien en faveur de l’une que l’autre. Prônant une droite décomplexée qui n’hésite pas à emprunter des thèmes frontistes, le style Copé, clair et offensif selon les experts, peut séduire. En face, Fillon symbolise une droite sociale usant habilement de la rhétorique gaulliste. "Avec François Fillon, on se dirige vers une réplique du fonctionnement institutionnel de la Ve république : le chef qui fixe le cap est flanqué d’un Premier ministre dédié à la gestion du parti qui serait donc Laurent Wauquiez. Copé, pour sa part, représente le manager de l’entreprise UMP", analyse-t-il.
Ce à quoi Copé et Fillon peuvent déjà s’attendre
Même si le scrutin de dimanche va tourner une page de l’histoire du parti qui fête samedi ses dix ans, certains éléments paraissent toutefois immuables. Ainsi, qu’il s’agisse de Copé ou de Fillon, il est fort probable que "le vainqueur emmènera, quoiqu’il arrive, le parti vers des victoires électorales en 2014, aux municipales et aux européennes", avance Thomas Guénolé, qui rappelle que le PS avait lui-même remporté la plupart des élections intermédiaires lorsque la droite était encore au pouvoir.
En revanche, le prochain patron de l'UMP devra très probablement faire face, dans les prochaines semaines, à la formation d'une opposition interne, ce qui est "tout à fait normal dans un parti politique", juge Thomas Guénolé. "Au sein du MoDem, par exemple, il n’y a pas ou peu de tensions, ce qui conduit à des exodes vers d’autres partis. Il est donc préférable, pour le bien de l’UMP, que des discordes internes se produisent."
Le vainqueur du scrutin de dimanche se trouvera également à la tête d'un parti qui "va être confronté à une grave crise financière", prévoit Thomas Guénolé. Selon le "Canard Enchaîné", "au printemps prochain, le budget de celui qui se revendique 'le premier parti de France' pourrait présenter un déficit de 50 millions d’euros."
"Dimanche, ce n'est pas une finale mais une demi-finale"
Finalement, malgré des succès électoraux en perspective, la tâche promet d’être ardue pour le prochain leader du parti d’opposition. D'autant plus que l'heureux élu devra gérer un obstacle de taille s'il souhaite devenir le champion de la droite pour la présidentielle de 2017. Ainsi, selon Thomas Guénolé, le vote de dimanche "n’est pas une finale mais une demi-finale qui va désigner celui qui affrontera l’absent omniprésent : Nicolas Sarkozy."
Bien qu’il se tienne pour l’instant à l’écart de la vie politique française, 64 % des sympathisants de droite souhaitent que l'ancien chef de l'État "revienne dans la vie politique et soit candidat de la droite lors de l'élection présidentielle de 2017", selon le sondage Ifop du JDD. Tandis que Jean-François Copé s’est dit prèt à suivre Nicolas Sarkozy dans son retour en politique, François Fillon semble, lui, prendre plus de distance. Reste à savoir si le spectre de l’ancien président de la République peut effectivement peser sur le scrutin de dimanche.