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Pussy Riot : deux membres du groupe condamnées en appel, la troisième libérée

Deux membres des Pussy Riot ont vu leur condamnation à deux ans de camp confirmée en appel, tandis que la troisième a été libérée. Toutes trois étaient poursuivies pour avoir chanté une "prière punk" anti-Poutine dans une église de Moscou.

À l’issue du procès en appel des trois membres des Pussy Riot, la justice russe a remis en liberté deux d’entre elles et confirmé la peine de deux ans de camp pour les deux autres jeunes femmes qui avaient chanté en février une "prière punk" anti-Poutine dans la cathédrale de Moscou.

"Libérez immédiatement Ekaterina Samoutsevitch", dont la peine est transformée en condamnation avec sursis, a déclaré la présidente du tribunal, ajoutant que les peines des deux autres jeunes femmes, Nadejda Tolokonnikova et Maria Alekhina, étaient "maintenues sans changement".

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Les explications de notre correspondante

Ekaterina Samoutsevitch, qui avait écopé d’une peine identique en première instance, s’était séparée de ses avocats le 1er octobre en évoquant des désaccords sur la ligne de défense adoptée.

Nadejda Tolokonnikova, 22 ans, Ekaterina Samoutsevitch, 30 ans, et Maria Alekhina, 24 ans, étaient accusées de "hooliganisme" et d'"incitation à la haine religieuse" pour avoir chanté en février dans la cathédrale du Christ-Sauveur, à deux pas du Kremlin, une "prière punk". Le visage cagoulé, les jeunes femmes avaient chanté "Mère de Dieu, chasse Poutine", devant une petite communauté de fidèles sidérés.

"Notre action était politique"

Volontairement provocatrice, la chanson mise en cause dénonçait le soutien de l’Église à Vladimir Poutine, réélu à la présidence russe le 4 mars dernier. Malgré l’utilisation d’un vocabulaire religieux jugé blasphématoire par les plaignants - dont l'avocat assure que les membres des Pussy Riot ont agi sous l’ordre de Satan -, le groupe a toujours affirmé qu'il visait le système politique russe et non l’Église.

"Nous n'avons pas voulu offenser les croyants", a répété ce mercredi Ekaterina Samoutsevitch lors du procès en appel, s'exprimant dans une cage en verre au côté des deux autres prévenues. "Si cela a été le cas, nous nous en excusons. Notre action était politique. Je dois répondre de ce que j'ai fait moi-même", a-t-elle ajouté.

"Nous sommes toutes les trois innocentes, nous sommes en prison pour nos opinions politiques", a renchéri Maria Alekhina qui a réclamé, comme Ekaterina Samoutsevitch, l'annulation du jugement en première instance et la liberté.

La troisième, Nadejda Tolonnikova, a elle aussi déclaré qu'elle était prête à s'excuser si elle a offensé des gens, mais "un repentir est impossible car ce serait reconnaître que notre action était antireligieuse, ce qui n'est pas le cas", a-t-elle dit.

Une condamnation "correcte" selon Poutine

Maria Alekhina est revenue sur de récentes déclarations du président Vladimir Poutine qui s'était interrogé sur la signification du nom Pussy Riot. "Le président considère que le nom de notre groupe est indécent, je vais le traduire, c'est 'La révolte des chattes'. Cela n'est pas plus indécent que ses appels à buter ses ennemis jusque dans les chiottes", a-t-elle déclaré sous les rires de la salle et les protestations des juges qui l'ont interrompue.

La prévenue faisait référence à une déclaration faite il y a plusieurs années par Vladimir Poutine concernant les rebelles tchétchènes. "Si notre condamnation est confirmée en appel et que nous partons dans un camp, nous ne nous tairons pas pour autant, même si on nous envoie en Sibérie ou en Mordovie", a encore déclaré Mme Alekhina.

Vladimir Poutine a estimé dimanche que la condamnation des jeunes femmes à deux ans de camp était "correcte". "Elles le voulaient et elles l’ont eu", a-t-il déclaré à la chaîne de télévision pro-pouvoir NTV, ajoutant qu’il n’avait "rien à voir" avec cette affaire.

Une affaire qui polarise la société

Le procès des Pussy Riot a eu un retentissement international et le jugement rendu a été vivement critiqué à l'étranger, où il a été qualifié de "disproportionné", dans un contexte d'inquiétudes sur la reprise en main du pays par Vladimir Poutine depuis son retour au Kremlin en mai pour un troisième mandat de président.

Après les grandes manifestations de l’opposition en début d'année contre Vladimir Poutine, ce dernier semble vouloir remettre la société russe au pas. Malgré quelques réformes annoncées sous la présidence de Dmitri Medvedev (2008-2012), le nouveau chef d'État a fait marche arrière, multipliant les mesures liberticides depuis sa prise de fonction.

Les jeunes femmes des Pussy Riot ont continué à recevoir des marques de soutien de l'étranger après leur condamnation : l'icône de la démocratie birmane Aung San Suu Kyi a appelé récemment à leur libération. La veuve de John Lennon, Yoko Ono, leur a décerné son prix pour la paix intitulé "LennonOno". Et le Parlement européen a décidé de présenter leur candidature pour le prestigieux Prix Sakharov pour la liberté de l'esprit.

(FRANCE24 avec dépêches)