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Obama ou Romney ? Quand la politique divise les couples

Ils sont amoureux et vivent en parfaite harmonie depuis plusieurs années. Ces couples n'ont qu'un seul point faible : la politique. Comment faire quand leurs divergences se réveillent à quelques semaines de l’élection présidentielle ? Reportage.

Kelly et Patrick Vance se sont rencontrés pendant leurs études de médecine. Mariés depuis 2007, ce couple vivant dans l'Illinois, terre électorale de Barack Obama, partage tout : le même métier - médecin urgentiste - et la même religion - catholique.

Une seule chose les sépare : la politique. Kelly, 29 ans, est une fervente supportrice du président démocrate Barack Obama alors que son mari âgé de 31 ans, Patrick, est un catholique plus traditionnel. Il votera pour le républicain Mitt Romney, le 6 novembre, lors de la présidentielle américaine.

À chaque élection, c’est la même rengaine. Les divergences remontent à la surface et les tensions s’exacerbent. Kelly lit le New York Times et le Huffington Post pendant que Patrick préfère suivre à la radio Rush Limbaugh, l’animateur ultraconservateur le plus écouté du pays. “Au début de notre mariage, quand il écoutait Rush dans la voiture, je me mettais dans tous mes états, se souvient-elle. Maintenant, Patrick préfère éteindre la radio si je suis là".

Une religion, deux perceptions

Mais leurs divergences ne s’arrêtent pas là. La contraception et l’avortement font aussi l’objet de dissensions. La jeune femme “respecte les enseignements de l’Eglise” mais ne souhaite pas pour autant que ses croyances personnelles donnent lieu à des lois. “Je suis médecin”, affirme-t-elle. “Mais je ne souhaite pas voir des patients admis à l’hôpital en sang après avoir subi des avortements illégaux”.

Kelly est également en faveur du mariage pour les couples homosexuels. “Juste parce qu’être gay n’est pas en accord avec la religion catholique ne signifie pas pour autant que tu n’as pas le droit de partager ta vie avec la personne que tu aimes”, estime-t-elle. “Le commandement le plus important est d’aimer son prochain. Je crois en la justice sociale. C’est pour cela que je vote Obama”.

Comment vont-ils faire pour éviter de s’étrangler d’ici le scrutin du 6 novembre ? “On évite les discussions autour des sujets qui fâchent. Mais, il nous arrive quand même de parler de certains thèmes et d’écouter le point de vue de l’autre", ajoute-t-elle.

Cette ouverture d’esprit a permis à Kelly et Patrick de se rapprocher quand ils se sont rencontrés sur les bancs de la faculté de médecine. “Au début de notre histoire, j’ai regardé qui il était vraiment plutôt que de me baser sur ce qu’il devait être compte tenu de son appartenance politique”, se souvient Kelly.

Trouver un terrain d’entente

Les couples aux convictions politiques différentes constituent une minorité, selon James Cordova, professeur de psychologie à l’université Clark et spécialiste des relations conjugales. Beaucoup d’entre eux trouvent que “les divergences politiques n’ont que très peu d’influence sur leur quotidien”, remarque le Dr Cordova. “Ils vont au travail, ils élèvent leurs enfants, s’occupent de leur maison, et, au final, la politique intervient peu".

C’est le cas de David* et Sara*, deux avocats âgés de 31 ans. David s’est engagé dans la campagne d’Obama en 2008 et reste un inconditionnel supporter du président. Sara, elle, est une républicaine, qui a travaillé dans l’administration Bush avant de soutenir Romney. Le couple, qui vit à Dallas, au Texas, avec leur petit garçon de deux ans, ne s’est jamais disputé en parlant de politique. “Si on sort dîner, c’est probablement le 10e ou 11e sujet de conversation qu’on va aborder”, indique David. 

Le couple se retrouve sur certains “sujets sensibles”, comme l’avortement et le mariage homosexuel. Ils ont aussi trouvé un terrain d’entente en restant mesurés dans leur jugement. “Sara n’est pas en accord avec Obama, mais elle n’a pas de réaction démesurée contre lui”, commente David. “De mon côté, je pense que les idées de Romney ne sont pas bonnes pour le pays, mais je ne pense pas pour autant que ce soit une mauvaise personne ”.

“Un défaut avec lequel il faut vivre”

Pour d’autres couples, la politique est un terrain miné qui explose de temps en temps. Susie Ortega va voter pour Obama dans l’État de Virginie. “Même s'il n'a pas toujours été fantastique, sa politique ne m’effraie pas comme celle de Mitt Romney”, commente cette manager de 32 ans. Elle “aime” les positions du président sur les sujets des femmes, sur les droits des homosexuels ou encore sur la guerre en Afghanistan et en Irak.

Elle a rencontré son mari, Brian Fernald, un technicien de laboratoire âgé de 29 ans, sur un site de rencontre. Sur sa fiche, Brian avait bien précisé qu’il était républicain. “On est quand même sortis ensemble, on s’est aimés et on s’est mariés". "C’est un de ces 'défauts' avec lequel on va devoir vivre", a ironisé Susie.

Il lui arrive cependant de perdre son sang-froid quand ils discutent politique. “Brian est très mesuré et évite la confrontation, analyse-t-elle. Je suis plutôt du genre à hurler et à crier. Je lui cours après dans le couloir”. Parfois, ils atteignent presque le point de non retour. “Ça m’est déjà arrivé de me dire que nous étions trop différents pour rester ensemble”, a-t-elle reconnu. “Mais on a fait face”, poursuit Susie en glissant qu’elle apprécie que Brian n’ait "jamais essayé de la faire passer du côté obscur”.

Instructif et amusant

Tenter de faire changer de bord sa moitié est rarement fructueux, note le Dr Cordoba. “Les partenaires se divisent et finissent par se percevoir comme des adversaires", précise-t-il.

Les études montrent qu’en respectant le point de vue de l’autre, les couples aux opinions politiques différentes en ressortent grandis en devenant plus ouverts et en appréhendant également toute la complexité et les nuances du débat.”

Alan Morales et son ami Charlie* en sont une parfaite illustration. Ils se sont tous les deux rencontrés sur Internet, il y a huit mois, à Washington DC. Alan, 26 ans, travaille dans les relations publiques et Charlie, 30 ans, est écrivain. Alan votera pour Obama principalement pour ses positions en faveur des homosexuels tandis que Charlie est sûr qu’il ne votera pas pour lui, même s’il n’est pas tenté par Romney non plus.

Les deux partenaires estiment que leurs opinions discordantes mettent du piment dans leur relation. “Nos divergences ont été instructives, amusantes mais aussi une source d’affinités,” a remarqué Charlie. Il a aussi constaté qu’un homme homosexuel, qui n’est pas démocrate, est souvent amené à se justifier devant ses amis. Sa relation avec Alan lui a servi d’entraînement; “ça m’a fait du bien de devoir défendre mes opinions”, constate-t-il.

Alan trouve aussi qu’être en couple avec quelqu’un de plus conservateur est profitable. “C’est le but d’une relation : être capable de discuter des choses ouvertement et apprendre sur les autres”, dit-il.

Le couple prévoit de regarder les débats ensemble alors que David et Sara n’ont encore rien prévu. Kelly et Patrick vont probablement “s’asseoir devant la télévision, jubiler au moment de la victoire et de la défaite de l’autre”, glisse Kelly.

Susie et Brian regarderont aussi les informations le 6 novembre, mais tenteront d’être plus détachés. “On verra bien ce qui arrive. L’un de nous sera grincheux tandis que l’autre fera ce qu’il peut pour ne pas glousser”, imagine Susie. “On se respecte suffisamment pour rester corrects.”

* Les personnes interrogées n'ont pas souhaité donner leur nom de famille
Crédit photo : Cain and Todd Bensen via Flickr