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Controverse juridique après l’inculpation pour meurtre des grévistes de Marikana

Les 270 mineurs qui avaient été arrêtés après la fusillade policière à Marikana ont été inculpés du meurtre de leurs 34 collègues, jeudi, en vertu d'une loi qui condamne toutes les personnes prenant part à des violences impliquant la police.

AFP - Le ministre sud-africain de la Justice a reproché vendredi au parquet d’avoir inculpé 270 grévistes de la mine de Marikana pour le meurtre de 34 de leurs collègues, tués par des policiers, arguant que cette décision avait créé « un choc, de la panique et de la confusion » dans le pays.

La tuerie du 16 août, qui a entraîné le décès de 34 mineurs grévistes à Marikana, à 40 km au nord-ouest de Johannesburg, dans une mine du troisième producteur mondial de platine, Lonmin , est l’un des incidents les plus graves ayant frappé le pays depuis la fin de l’apartheid en 1994.

Les mineurs interpellés après ces affrontements ont été inculpés sur la base d’une loi datant de l’époque de la ségrégation raciale, dite de "l’intention commune" ("common purpose").

Les juges ont expliqué que les inculpés étaient présents et armés pendant le drame, ce qui les rend complice du meurtre des 34 grévistes. Ce texte de loi était parfois utilisée par les gouvernements de l’apartheid afin de condamner beaucoup de noirs en même temps, pour un crime commis par quelques-uns d’entre eux seulement.

Le Congrès national africain (ANC), parti historique de la majorité noire dont les membres étaient régulièrement tués au cours de manifestations sous l’apartheid, s’est vu vertement reprocher d’utiliser des méthodes similaires maintenant qu’il est au pouvoir.

Le président Jacob Zuma, qui cherchera à se faire réélire à la tête de l’ANC en décembre, a été accusé par ses adversaires d’être plus intéressé par une bonne entente avec le secteur minier et les syndicats puissants qu’avec de simples mineurs de fond.

Pas de sanction avant 2013 pour la police

Au cours d’un discours prononcé vendredi à l’occasion d’un congrès de l’Internationale socialiste, Zuma n’a pas abordé le sujet. Son ministre de la Justice, Jeff Radebe, voulait pourtant des réponses.

"Il ne fait aucun doute que la décision (du parquet) a entraîné un choc, de la panique et de la confusion parmi les membres de la communauté et la population sud-africaine en général. Il m’incombe dès lors de tirer les choses au clair", a-t-il déclaré dans un communiqué.

Les 34 hommes décédés le 16 août ont été tués par des balles tirées par les policiers au cours d’un massacre dont les images ont fait le tour du monde. Mais les forces de l’ordre ne feront l’objet d’aucune sanction avant qu’une enquête officielle ne rende ses conclusions début 2013.

Cette enquête, voulue par Jacob Zuma, doit établir les responsabilités de la police, des syndicats et de Lonmin dans les affrontements du 16 août.

S’il venait à mal gérer ce dossier brûlant, le chef de l’Etat pourrait voir grossir les rangs de ceux qui jugent qu’il est à la tête d’un gouvernement inefficace.

Mais plutôt que d’accabler Jacob Zuma, les mineurs grévistes pointent plutôt du doigt Lonmin et le Syndicat national des mineurs (Num).

"C’est la faute de la direction de l’entreprise. C’est elle qui a appelé la police. Et le Num est trop occupé avec les responsables politiques pour nous aider", estime ainsi Lazarus Letsoele, un des grévistes.

Selon des experts en droit, les inculpations prononcées par le parquet pourraient rapidement s’effondrer. Il ne s’agirait que d’une façon maladroite de garder plus longtemps en détention préventive ces 270 grévistes interpellés à la suite des heurts du 16 août et qui se sont plaints d’avoir été agressés et maltraités en prison.