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Affaibli par les mauvais chiffres du chômage, le président-candidat Barack Obama s’engage dans une stratégie offensive, basée sur la multiplication des publicités critiques contre son rival républicain dans la course à la Maison Blanche.

Barack Obama ne perd pas de temps. À cinq mois du scrutin présidentiel, son camp dégaine déjà ses premières campagnes de "publicités négatives" contre Mitt Romney. Le candidat républicain y est présenté tour à tour comme un homme cupide, qui possède des comptes bancaires en Suisse, ou un gouverneur raté, qui a conduit le Massachusetts à la faillite lorsqu’il était à la tête de cet État du nord-est.

Obama est loin d’être le premier candidat à avoir recours à ces publicités négatives. “Elles sont même une tradition américaine", estime Karlyn Bowman, une experte au sein du think tank conservateur American Enterprise Institute. "Les recherches indiquent que ces attaques fonctionnent. Obama rappelle ainsi aux Américains qu’il est un combattant." Seule surprise pour l’analyste, le calendrier choisi par son équipe. "Il est virulent très tôt dans le long processus que représente une campagne."

Selon Lex Paulson, directeur adjoint de la campagne dans le Connecticut en 2008, ces “negatives ads” constituent bien un passage obligé pour le président sortant. “Étant donné la faible reprise économique et les mauvais chiffres sur le marché de l’emploi, le président est contraint de donner une image négative de l’autre candidat", explique-t-il.

Mauvais gouverneur et évadé fiscal

Les dernières publicités offensives s’intitulent "We've heard it all before" (On a déjà entendu tout ça) et “Broken Promises” (Promesses non tenues). Elles présentent Mitt Romney comme un piètre gouverneur du Massachusetts - un poste qu’il a occupé de 2003 à 2007 –, incapable de créer des emplois.

D’autres publicités télévisées décrivent le républicain comme un richissime capitaliste incapable de comprendre les problèmes de la classe moyenne. Après avoir rappelé les plans de licenciement qu’il a mis en œuvre en tant que PDG de l'entreprise de capital-investment Bain Capital, une voix déclare: "c’est ce qu’on peut attendre d’un gars qui a un compte en Suisse” (Romney a reconnu avoir eu des comptes à son nom en Suisse entre 2003 et 2010).

Lancé par l’équipe de campagne d’Obama, le site Internet romneyeconomics.com compile les vidéos présentant Romney comme un requin de la finance qui a amassé sa fortune aux dépens des autres. Sur l’une d’entre elles, un ouvrier métallurgiste au chômage accuse Romney "d’avoir détruit la carrière et la vie de milliers de personnes".

Attaques "écœurantes" ou stratégie gagnante ?

Cette stratégie de campagne ne plaît pas à l'ensemble du camp démocrate. Des membres éminents du parti ont mis en garde contre l’impact que pourrait avoir la répétition des attaques contre le capitalisme auprès de ses riches donateurs. Surtout qu’Obama a déjà fait des mécontents en tentant de réguler Wall Street après la crise financière.

Ainsi, l’étoile montante du parti démocrate, le maire de Newark, dans le New Jersey, Cory Booker, a été parmi les premiers à demander l’arrêt de ces attaques "écœurantes". L’ancien président Bill Clinton, qui reste très populaire auprès des classes moyennes et des financiers de Wall Street, est lui aussi venu au secours de Romney, qualifiant même son bilan d’homme d’affaires de "remarquable".

Obama reste pour l’instant sourd à ces mises en gardes. “C’est ainsi que sera la campagne”, a-t-il lancé le mois dernier à des journalistes. "Je dois penser aux travailleurs de ces vidéos tout autant qu’aux autres qui ont eu plus de succès."

Lex Paulson estime, lui, que le président américain a eu raison de s’engager sur cette voie. "Romney dans le rôle du capitaliste sans cœur, c’est un slogan parfait pour la base démocrate et cela parle aussi aux électeurs indécis qui ont pris en grippe les élites de Wall Street. Les donateurs démocrates les plus intelligents verront bien qu’il s’agit d’une stratégie."

Une publicité récente souligne l’alliance de Romney avec le milliardaire et star de télé réalité Donald Trump, qui est toujours le fer de lance des "birthers", ainsi que se font appeler les gens qui ne croient pas qu’Obama est né aux Etats-Unis.

Obama obligé de prendre des risques

De son côté, Karyln Bowman estime que la stratégie offensive adoptée par l’équipe d’Obama pourra se révéler dangereuse à long terme. "Il risque d’y perdre l’une de ses grandes forces, son image d’homme sympathique et aimable”.

À ce jour, le président ne semble pas avoir affaibli sa réputation : un sondage récent indique même que 56 % d’Américains le trouvent toujours sympathique.