La situation semble plus que jamais bloquée au Québec, où le conflit étudiant dure depuis plus de trois mois. Face à la fermeté affichée par le gouvernement, un syndicat étudiant qualifie la situation de “véritable lutte populaire”.
Rien ne semble faire retomber le mouvement de contestation des étudiants québécois, qui a marqué mardi 22 mai son centième jour de mobilisation. Depuis le mois de février, des manifestations quotidiennes sont organisées à Montréal, suite à la hausse des droits de scolarité dans les universités, décrétée par le gouvernement du Premier ministre québécois Jean Charest.
Le mouvement estudiantin, qualifié de “ printemps érable” ou de “printemps québécois”, a pris davantage d’ampleur depuis que le Parlement a adopté, le 18 mai, la controversée “loi 78”. Celle-ci limite les droits à manifester dans la “Belle Province” et prévoit une suspension des cours jusqu'au mois d'août. Une mesure qualifiée par les syndicats étudiants de manœuvre grossière pour tenter de casser le mouvement de grève.
Conséquence de cette nouvelle législation, les manifestations, notamment nocturnes, se sont multipliées ces derniers jours, certaines donnant même lieu à des affrontements avec les forces de l'ordre. L'un des trois syndicats étudiants en grève, la Classe (Coalition large de l'association pour une solidarité syndicale étudiante) a annoncé son refus de se soumettre à ce que la presse québécoise qualifie de “loi matraque”, voire de véritable “déclaration de guerre”.
Joint au téléphone par FRANCE 24, un responsable de la Classe, qui a voulu garder l’anonymat, assure qu’une nouvelle manifestation de masse est prévue mardi 22 mai à Montréal pour marquer l’anniversaire symbolique de la lutte. Selon lui, loin de s’essouffler, le mouvement “prend de l’ampleur”. “Ce qui était au début une simple grève étudiante est devenu aujourd’hui une véritable lutte populaire, qui touche l’ensemble de la société québécoise” explique-t-il, rappelant que les étudiants ne sont désormais plus les seuls à manifester.
La population québécoise partagée
Depuis le début du mouvement, les étudiants ne peuvent pas compter sur le soutien de la population québécoise, si l’on en croit le baromètre du “Journal de Montréal”. Mais le passage de la loi 78, jugée trop sévère par une large majorité de sondés, pourrait bien inverser cette tendance et apporter davantage de soutien aux syndicats étudiants.
Le responsable de la Classe assure toutefois que le mouvement est plus popualire qu'il n'y paraît. “On s’attend ce mardi à l’une des plus grosses manifestations depuis le début du mouvement”, s’enthousiasme-t-il. Preuve en est, selon lui, les 19 000 personnes inscrites dans la matinée sur la page Facebook de la manifestation, un chiffre parmi les plus élevés enregistrés ces derniers mois.
“Les étudiants qui manifestent sont les Grecs du Canada”
Du côté des éditorialistes du pays, on est plus réservé. André Pratte, l’une des grandes plumes du quotidien francophone “La Presse”, appelle ainsi "au retour au calme”. “Ceux qui en ont marre du gouvernement Charest pourront voter contre lui d'ici quelques mois” martèle-t-il. “C'est pourquoi, sans abandonner leurs différents points de vue, chaque parti politique, chaque syndicat, chaque groupe d'intérêt, chaque Québécois doit désormais mettre le retour au calme au premier rang de son action”, écrit-il dans sa dernière chronique.
La condamnation est encore plus sévère dans la presse candienne anglophone. Ainsi, la chroniqueuse du “Globe and Mail”, Margaret Wente, compare les manifestants québécois au peuple grec. “Ils [les Grecs] veulent que les Allemands leur envoient toujours plus d’argent, et, peu importe combien les Allemands envoient, ils continuent d’en demander plus. Les étudiants qui manifestent sont les Grecs du Canada. Et nous n’en voulons plus”.
Le responsable de la Classe ne s’offusque guère de “ce mépris somme toute classique de la part des chroniqueurs anglophones qui ne connaissent pas la réalité des étudiants québécois.” Il indique même souscrire d’une certaine manière à l’analogie internationale tentée par Maragret Wente. “Notre combat se joue aussi à Athènes, à Paris ou à New York, il s’inscrit dans une perspective mondiale de lutte contre l’austérité.”