Six heures après la mort du chef d'état-major de Guinée-Bissau, dimanche, le président Vieira a été tué par des militaires qui ont pris d'assaut sa maison. En attendant le démarrage de l'enquête, retour sur les événements.
AFP - Le double assassinat en début de semaine du président et du chef des armées de Guinée-Bissau illustre les pesanteurs du trafic de cocaïne et des rancoeurs ethniques sur la vie de ce petit pays ouest-africain pauvre et instable.
Acte 1: un attentat à la bombe soigneusement préparé coûte la vie au général Batista Tagmé Na Waié, dimanche peu avant 20H00 (locales et GMT), au siège de l'état-major général des forces armées qu'il dirigeait depuis 2004.
Il monte l'escalier menant à son bureau lorsque l'extrémité gauche du bâtiment s'effondre. Il meurt sous un amas de béton. Les militaires y retrouveront une mine de fabrication thaïlandaise, évidée puis remplie d'explosifs.
La piste du trafic de stupéfiants est une des plus fréquemment évoquées pour cet attentat, du fait du mode opératoire, inédit dans la région, mais aussi de l'existence notoire, dans l'armée, de réseaux de trafic de drogue.
Ces dernières années, le pays est devenu une plaque tournante du trafic de la cocaïne sud-américaine vers les marchés européens.
Un officier a affirmé jeudi à l'AFP que "le général avait découvert, une semaine avant sa mort, une cachette dans un hangar de l'état-major, avec 200 kg de cocaïne" dans "quatre sacs de voyage". "Le ou les commanditaires doivent être connus et arrêtés", aurait-il lancé à ses subordonnés.
Entre 2004 et 2007, le général aurait d'abord laissé faire des trafiquants de drogue, au sein même de l'état-major, avant de commencer à lutter contre leurs activités.
"La première piste, ce sont les narcotrafiquants, la deuxième, celle de Bubo Na Tchuto", ancien chef d'état-major de la Marine, réfugié en Gambie après avoir été accusé de tentative de coup d'Etat en août, et "elle se confond avec la première", assure une source diplomatique.
"Même si l'on n'a jamais eu de preuve, tout le monde sait qu'il est un des vrais patrons du narcotrafic dans lequel trempait aussi le président Joao Bernardo Vieira" tué lundi, affirme la même source, n'excluant pas "une troisième piste, politique, pour créer une instabilité".
Acte 2: environ six heures après la mort du général, le président Vieira est "tué par balles et à coups de machette par des militaires" qui ont pris d'assaut sa maison, assure la même source diplomatique.
La profonde rivalité entre les généraux Na Waié et Vieira a d'abord laisser penser que ces deux "ennemis mortels" avaient pu indirectement s'entretuer.
Annonçant la mort du président - au pouvoir durant 23 ans, de 1980 à 1999 puis de 2005 à 2009 -, un porte-parole de l'armée l'avait accusé d'avoir été "un des principaux responsables de la mort de Tagmé" Na Waié, avant de revenir sur ses déclarations.
Mais des proches du président insistent sur l'idée qu'il ne serait pas resté chez lui, quasiment sans défense, s'il avait vraiment été le commanditaire de cet assassinat.
"Ils se détestaient mais le président ne s'en serait jamais pris à son chef d'état-major. Chacun était responsable de la survie militaire et politique de l'autre", juge un observateur étranger.
Un soldat, assurant avoir participé à l'opération, a affirmé à l'AFP que plusieurs dizaines de militaires avaient quitté la base de Mansoa (60 km de Bissau), fief de l'ethnie balante, majoritaire dans l'armée, dimanche soir pour aller "liquider" le président à Bissau et "venger" la mort de leur chef.
Depuis 23 ans, des Balante songeaient à se venger du président Vieira (de l'ethnie pepel) qui avait fait torturer et emprisonner le général Na Waié, sous prétexte de tentative de coup d'Etat en 1986. Une dizaine d'officiers supérieurs Balante avaient alors été cruellement mutilés puis fusillés.