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Angela Merkel et David Cameron porteront-ils chance à Nicolas Sarkozy ?

En l’espace de deux semaines, Nicolas Sarkozy s’est attiré les bonnes grâces de Londres et de Berlin qui le soutiennent ostensiblement dans la course à l’Élysée. Véritable aubaine ou faute stratégique du président-candidat ?

Ils ont décidé de voter Sarkozy. Angela Merkel, la chancelière allemande, et David Cameron, le Premier ministre britannique, l’ont fait savoir au monde entier ces derniers jours : Nicolas Sarkozy bénéficie de leur appui dans la campagne présidentielle française.

Pas vraiment une surprise côté allemand. Depuis plusieurs semaines déjà, la chancelière avait multiplié les signes ostentatoires de soutien à son homologue français, que les sondages donnent largement perdant dans la course à l’Elysée. Cette dernière s’est même dite prête à participer à l'un de ses meetings électoraux. "Je le soutiens car nous appartenons à des partis politiques amis", avait-elle déclaré lundi 6 février, avant d’ajouter sur un ton proche de l’admiration : "Je le soutiendrai quoi qu’il fasse".

Quelques jours plus tard, ce fut au tour du Premier ministre britannique - de passage à Paris vendredi 17 février pour discuter nucléaire et défense internationale - de se prêter au jeu de la déclaration d’amitié politique. Le Britannique, qui a dit "admirer le courage et le leadership" de son hôte, lui a également souhaité "bonne chance". "Je pense qu'il a fait énormément de choses pour son pays […]. Nous avons parfois des désaccords", a-t-il convenu. Mais "notre collaboration économique est très forte", s’est-il empressé d’ajouter.

Un appui qui tombe à point nommé

"Ce sont évidemment deux soutiens de poids", reconnaît d’emblée Eddy Fougier,

spécialiste de la politique française à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). "Berlin et Londres sont deux puissances économiques et diplomatiques respectées sur l’échiquier international. A première vue, ces deux appuis constituent donc deux atouts pour la candidature du président-candidat", explique-t-il.

Ragaillardi par ces "amitiés" de circonstance, Nicolas Sarkozy devrait maintenant chercher à les instrumentaliser, explique le politologue. Le tout dans le but de conforter son image d’homme taillé pour les sommets de l’État. "Il souhaite renforcer son label qualité. Il cherche à l’extérieur la crédibilité qui lui manque à l’intérieur du pays."

De fait, l’appui de Londres tombe à point nommé. Pour le président-candidat, c’est l’occasion de mettre en lumière l’excellence de leur relation qui a prévalu dans le dossier libyen. "Londres et Paris ont exercé leur leadership dans l’opération militaire en Libye. Un succès diplomatique dont Nicolas Sarkozy s’enorgueillit fréquemment", développe Eddy Fougier.

En appuyant la candidature de Nicolas Sarkozy, Berlin aussi apporte son gage de qualité. Considérée comme la bonne élève de la zone euro, l'Allemagne et son "label bonne santé économique" constitue un atout indéniable pour le camp UMP qui a fait de la lutte contre l’endettement son cheval de bataille. "Nicolas Sarkozy cherche à ancrer dans les esprits le rôle primordial qu’exerce le couple Merkozy pour sortir l’Europe du bourbier économique. Un duo gagnant qui serait menacé en cas de victoire de Hollande", assure le spécialiste.

Faute tactique ?

Présidentielle française 2012

Gare toutefois à la faute tactique. A trop jouer de ces soutiens, Nicolas Sarkozy pourrait tout aussi bien s’enfoncer une épine dans le pied. D’une part, parce que de tels adoubements ne font pas partie de la culture française. "Je ne suis pas sûr que l’électorat français voit d’un bon œil ces intrusions étrangères dans la campagne française", explique Eddy Fougier. "Rappelons qu’en 2005, lors du référendum européen, l’intervention de personnalités étrangères comme Manuel Barroso [président de la Commission européenne] qui faisait campagne en faveur du oui français avait été vécue comme une ingérence", rappelle le spécialiste à titre d’exemple.

Autre handicap : Nicolas Sarkozy ne risque-t-il pas de perturber une grande partie de l’électorat populaire ? Electorat qu’il cherche pourtant à ravir à son rival socialiste. "Alors qu'il se présente comme le candidat des valeurs nationales, proche du peuple, il a été adoubé par des grandes puissances économiques pro-libérales, c’est un peu contradictoire", explique Eddy Fougier. Ce choix tactique pourrait même se révéler périlleux dans son propre camp. "Les retraités votent généralement en masse pour les partis conservateurs. Or, je ne suis pas certain que cette frange de la population voit d’un bon œil le soutien exacerbé d’un chef de gouvernement allemand à un candidat français", explique-t-il.

Reste à attendre les prochains sondages. "Eux seuls nous diront si le soutien germano-britannique a porté ses fruits et a participé à resserrer l’écart qui sépare le candidat UMP de son rival socialiste", ajoute le spécialiste. Avant de conclure : "Sarkozy a joué une carte à double tranchant. Soit il réussit à casser l’image de présidentiable de François Hollande, soit il s’attire la foudre d’une partie des Français qui n’ont jamais aimé qu’on vienne mettre le nez dans leurs affaires."