Le président de la Commission européenne, José-Manuel Barroso, reconnaît l’"urgence" de recapitaliser les banques européennes afin qu’elles puissent faire face à la crise de la zone euro.
Finalement, les banques européennes devront être recapitalisées. José-Manuel Barroso, le président de la Commission européenne, l’a reconnu officiellement. Ce mercredi, il a présenté une feuille de route pour que le système bancaire européen soit capable de faire face à une crise qu’il a qualifiée de “systémique”, c’est-à-dire dans laquelle l’effet de contagion joue à plein.
Pour redresser la situation, José-Manuel Barroso prône notamment une augmentation sensible et "urgente" des fonds propres des établissements bancaires, qui correspondent aux réserves d’argent dont ceux-ci doivent bénéficier pour faire face à des besoins inattendus. Actuellement, ces derniers doivent s’élever à 5% des actifs des banques. S’il n’a pas cité de chiffres dans son discours, cette obligation pourrait être portée à 9%, selon le "Financial Times" - un seuil recommandé par l’Autorité bancaire européenne. Le président de la Commission européenne a par ailleurs assorti cette proposition d’une menace : les enseignes bancaires qui ne se conformeraient pas à ce nouveau seuil pourraient se voir interdire le droit de verser des bonus ou des dividendes à leurs actionnaires.
Un développement qui intervient alors qu’il y a seulement un mois, les principaux dirigeants européens montaient au créneau pour défendre la solidité du système bancaire européen. Une recapitalisation, pourtant appelée de leurs vœux par le Fonds monétaire internationale (FMI) et les États-Unis, était alors jugée inutile par les Européens. Que s’est-il passé pour que l’Union européenne effectue un tel virage à 180 degrés en si peu de temps ?
La charge de Christine Lagarde : Le 27 août, la nouvelle directrice du FMI affirme que les banques européennes "ont besoin d'une recapitalisation urgente". Dans un discours prononcé à Jackson Hole (État du Wyoming, États-Unis), elle justifie cette prise de position par la crainte d’une contagion de la crise grecque à d’autres pays comme l’Italie ou l’Espagne. Une hypothèse qui pourrait, selon elle, mettre à mal tout le secteur bancaire européen.
L’Europe fustige Christine Lagarde : Dans les jours qui suivent cet appel de “Jackson Hole”, les réactions indignées de responsables européens se multiplient. La charge la plus forte contre l’ancienne ministre française de l’Économie vient de la France. Le 30 août, Laurence Parisot, patronne du Medef (syndicat du patronat français), juge en effet les propos de Christine Lagarde “incompréhensibles”. “Ce qui est dit [par Christine Lagarde, NDLR] n'a pas de sens, nous avons le système bancaire le plus solide au monde”, affirme alors Laurence Parisot.
Le patron de la Deutsche Bank, Josef Ackermann, évoque, quant à lui, des “propos contre-productifs”. Il est l’un des premiers à utiliser un argument que les Européens vont resservir à foison durant le mois de septembre : le système bancaire serait solide, mais les déclarations alarmistes peuvent le fragiliser.
La Bourse en folie : Durant la première quinzaine du mois de septembre, les valeurs bancaires sont fortement chahutées en bourse. Ainsi, par exemple, l’action de la Société Générale passe en une semaine, début septembre, de 23 euros à 16 euros tandis que la Deutsche Bank dévisse à un rythme similaire (28 à 21 euros). Certains y voient un effet de panique suite aux déclarations de Christine Lagarde, d’autres rappellent que les banques étaient déjà sous pression boursière depuis le début de l’été.
L’aide discrète des banques centrales : Officiellement, il n’y a encore qu’un “problème de confiance” des marchés, mais la machine à aider les banques européennes se met en branle à partir du 15 septembre. Lors d’une réunion à Bruxelles des ministres des Finances de la zone euro, le discours n’a pas varié d’un iota : les banques européennes sont solides. Pourtant, ce même jour, cinq banques centrales (la Banque centrale européenne, la Banque du Japon, la Bank of England, la Réserve fédérale et la Banque centrale suisse) ont décidé d’ouvrir les mannes du crédit aux banques européennes. Depuis quelques jours, ces dernières ont en effet des difficultés à emprunter sur un marché où les investisseurs rechignent de plus en plus à leur prêter de l’argent.
Les 200 milliards du FMI : Christine Lagarde revient à la charge le 21 septembre. Le FMI publie alors un rapport qui estime que pour faire face à la crise grecque et à l’éventuelle contagion, les banques européennes ont besoin de 200 milliards d’euros supplémentaires. Un chiffre choc qui provoque les premières fissures dans la solidarité européenne pour défendre le secteur bancaire. Ainsi, Olli Rehn, le commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires, reconnaît un jour plus tard que “les banques les plus fragiles” allaient probablement devoir être recapitalisées.
Le choc Dexia : Le 4 octobre, la France et la Belgique décident de démanteler Dexia. La banque franco-belge devient officiellement la première victime bancaire de la crise grecque. Même si le ministre français de l’Économie, François Baroin, assure qu’il s’agit “d’un cas isolé”, cette chute prouve que le secteur bancaire européen n’est pas si solide. Une première illustration concrète des craintes exprimées environ un mois plus tôt par Christine Lagarde.