Les accointances entre Hollywood et la Maison Blanche menacent-elles le secret-défense ? Le républicain Peter King accuse Washington d'avoir autorisé le Pentagone à divulguer des informations sensibles à la réalisatrice Kathryn Bigelow.
AFP - Un parlementaire a accusé mercredi la Maison Blanche de révéler des secrets d'Etat en autorisant le Pentagone à collaborer avec Hollywood pour un film sur l'opération menée contre Oussama Ben Laden qui sortira sur grand écran un mois avant la présidentielle de 2012.
La réalisatrice oscarisée Kathryn Bigelow travaille sur le sujet de la traque et de l'élimination de l'ennemi public numéro un des Etats-Unis lors d'un raid mené début mai par des forces spéciales américaines contre sa résidence d'Abbottabad au Pakistan.
Le président de la commission de la Sécurité intérieure à la Chambre des représentants, le républicain Peter King, dit craindre que la réalisatrice et son scénariste Mark Boal, qui ont rencontré de hauts responsables de la Défense pour écrire le scénario, n'aient eu accès à des éléments de l'opération classés secret-défense.
S'appuyant sur un article du New York Times, le parlementaire affirme dans un communiqué que la société de production "Sony Pictures Entertainment et la réalisatrice Kathryn Bigelow ont reçu +un accès au plus haut niveau à la mission la plus secrète de l'histoire+ pour produire un film sur le raid".
"Le film doit sortir en octobre l'année prochaine, juste un mois avant l'élection de novembre 2012", dénonce le parlementaire, qui y voit une opération de communication de la Maison Blanche.
L'élimination de Ben Laden constitue l'un des plus grands succès du président Barack Obama, longtemps critiqué pour son manque d'expérience en matière de sécurité nationale et qui est confronté à une difficile campagne pour sa réélection en raison de la situation économique.
Peter King réclame donc une "enquête" à l'inspection générale du Pentagone et de la CIA.
Pour la Maison Blanche, les accusations de l'opposant républicain sont "ridicules".
"Nous ne parlons pas d'informations classifiées et j'aurais espéré, alors que nous continuons de faire face à la menace terroriste, que la commission de la Sécurité intérieure à la Chambre avait des sujets plus importants à gérer que de discuter d'un film", a déclaré le porte-parole de la Maison Blanche, Jay Carney.
"Les informations les plus détaillées que nous avons dévoilées (...) sur ce raid ont été délivrées depuis ce podium", a-t-il affirmé dans la salle de presse de la Maison Blanche devant les journalistes.
La collaboration du Pentagone avec Hollywood est une "pratique courante", a convenu Phil Strub, qui assure la laison avec Hollywood pour le département de la Défense.
Le Pentagone peut fournir des conseils techniques aux réalisateurs ou mettre à disposition du matériel militaire ou des bases. Des films comme la saga des "Transformers", "Iron Man 2" ou encore "La Somme de toutes les peurs" ont ainsi bénéficié de la collaboration de l'armée américaine.
Révélée par le film "Point Break" sur l'univers des surfers californiens, Kathryn Bigelow avait déjà bénéficié de l'assistance du Pentagone pour le scénario de son film "Démineurs" (The Hurt Locker).
Le film dressait le portrait d'un démineur américain trompe-la-mort pendant le conflit en Irak et a valu à Kathryn Bigelow l'Oscar du meilleur film et du meilleur réalisateur en 2010.
Pour son projet qui n'en est qu'au stade du scénario selon le Pentagone, elle a notamment rencontré Michael Vickers, un ancien paramilitaire de la CIA et membres des forces spéciales, aujourd'hui sous-secrétaire à la Défense pour le renseignement.
"Nous voyons cela comme une opportunité de véhiculer une image positive, raisonnablement réalistique en direction du public", a expliqué Phil Strub à l'AFP, selon qui cette pratique remonte à "l'aube du cinéma américain".