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L'ombre de l'extrême droite plane sur le carnage d'Oslo

La première audience devant la justice d’Anders Behring Breiving a permis d'en savoir plus sur le massacre d'Oslo. Ce dernier, qui reconnaît les faits sans plaider coupable, ne cache pas ses sympathies pour l'extrême droite.

Prospère, tolérant et démocratique, le royaume de Norvège s’est souvent enorgueilli d’être un havre de paix exemplaire dans un monde violent. C’était sans compter sur la détermination d’Anders Behring Breiving, un extrémiste de droite, qui a reconnu au cours de la première audience devant la justice norvégienne être l'auteur du carnage de vendredi, qui a provoqué, selon le dernier bilan, la mort de 76 personnes.

Échec cuisant pour les services de sécurité
Le profil de ce Norvégien de "souche" a plongé son pays dans l’incompréhension. "Oslo n’avait pas prévu ce genre d’attaque venant des milieux de l’extrême droite - pourtant bien connus par la police. C'est une information très choquante pour les Norvégiens d’apprendre que l’extrême droite peut avoir repris du poil de la bête et qu'elle est en mesure de commettre un crime qui n’a pas d’équivalent dans le pays", explique à FRANCE 24 Franck Orban, chercheur au ministère norvégien de la Justice. D’autant plus que, selon ce dernier, "la police avait concentré ses efforts pour réduire les risques liés à ces milieux d’extrême droite, qui avaient posé des problèmes dans les années 1990". En effet, au cours de ces années, des groupuscules radicaux ont provoqué plusieurs incidents criminels. En 2001, les Norvégiens avaient aussi été indigné par le meurtre raciste qu'avaient commis deux néonazis à l'encontre d’un jeune âgé de 15 ans, fils d’un père ghanéen et d’une mère norvégienne
Avant le passage à l’acte d’Anders Behring Breiving, les autorités norvégienne redoutaient plutôt "une menace directe" de la mouvance islamiste, conformément à un rapport du Service de la sécurité de la police norvégienne, publié en début d’année. "Comme les années précédentes, les groupuscules d'extrême droite et d'extrême gauche ne représentent pas une menace sérieuse pour la société norvégienne en 2011", est-il précisé dans ce rapport "d'évaluation des menaces". Des conclusions sévèrement contredites par le carnage de vendredi dernier.
Un suspect affilié à l’extrême droite norvégienne

Même s’il n’a pas revendiqué son acte au nom d’un quelconque parti ou groupuscule, Anders Behring Breiving a remis sur le devant de la scène médiatique l’extrême droite norvégienne. Et pour cause, ce "chrétien fondamentaliste" qui se dit engagé, depuis 2002, dans une croisade contre l'islam, a adhéré à l'organisation de jeunesse du Parti du Progrès (en norvégien Fremskrittspartiet, FrP), principale formation populiste norvégienne, puis au parti lui-même entre 1997 et 2006-2007. La chef de file du parti, Siv Jensen, qui comparait en 2009 l’islam radical au nazisme, a souligné dans un communiqué qu'elle regrettait qu'il ait appartenu à son mouvement.

Avec un score de plus de 20% des voix aux législatives de 2005 et de 2009 et 41 sièges de députés sur les 169 du Parlement, le Parti du Progrès est tout de même la deuxième force politique du pays et le premier parti d’extrême droite d’Europe de l’Ouest. "Ce mouvement créé en 1973 et issu de l’extrême droite s’est donné depuis une dizaine d’année une image respectable en restant tout à fait xénophobe et islamophobe", explique Gauthier Rybinski, spécialiste des questions internationales à FRANCE 24. Ses idées favorables à une politique d'immigration ultra-restrictive et de préférence nationale "ont fait florès en Norvège où il est parvenu à banaliser un certain nombre des thèses chères à l’extrême-droite", ajoute-t-il. Un terreau d’idées dans lequel Anders Behring Breiving a peut-être puisé pour forger sa propre idéologie avant de la propager sur Internet et de planifier son crime.
Interrogé par l’AFP, Jean-Yves Camus, politologue spécialiste de l’extrême droite, déclare "qu’il faut se poser la question de la responsabilité de ces idées qui depuis dix ans présentent l’Europe comme un continent en voie d’islamisation et tous les musulmans comme des ennemis de l’Occident". À l'issue de sa première comparution à huis clos devant un juge du tribunal d'Oslo, le suspect a prétendu vouloir défendre son pays et l'Europe contre l'islam, le marxisme et le Parti travailliste au pouvoir en Norvège qui, selon lui, favorise l'immigration massive de musulmans dans le pays.
La Scandinavie, terrain de jeu de l’extrême droite
Ce discours néo-nationaliste et islamophobe connaît également un regain de popularité dans les pays voisins qui sont confrontés, à l’instar de la Norvège, à une vague d’immigration depuis une vingtaine d’années. Au Danemark, le Parti du peuple danois apporte son soutien parlementaire au gouvernement minoritaire libéral-conservateur et réussit à peser sur l’agenda politique. En Suède, le parti d’extrême droite, les Démocrates de Suède (SD), a recueilli 5,7 % des voix lors des législatives de septembre 2010. Un score qui, pour la première dans l’histoire du pays, leur a ouvert les portes du Parlement.
Malgré leurs particularités, ces partis partagent des thèmes de prédilection comme le rejet de la politique d’immigration et des populations d'origines musulmanes. "Le rejet de l’islam est apparu dans le contexte du terrorisme qui a permis aux extrémistes de passer d’un racisme ethnique à un racisme religieux en décrivant cette foi comme une menace", analysait récemment pour FRANCE 24, Sylvain Crépon, sociologue spécialiste des questions relatives à l’extrême-droite au sein du laboratoire Sophiapol de l’université Paris Ouest-Nanterre.
Des thèses jugées pas assez radicales par Anders Behring Breivik, qui reprochait au FrP de trop vouloir satisfaire "les attentes multiculturelles et les idéaux suicidaires de l'humanisme", dans un message mis en ligne en 2009 sur le site de débat www.document.no.