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Le Premier ministre a répondu aux questions des parlementaires dans l'affaire des écoutes téléphoniques. Attaqué par l’opposition en raison de sa proximité avec Murdoch, Cameron a présenté ses regrets tout en défendant sa gestion de la crise.

Il était attendu au tournant. Après les Murdoch père et fils, David Cameron, premier responsable politique éclaboussé par l’affaire des écoutes téléphoniques, a affronté mercredi la Chambre des communes réunie en session extraordinaire. Dans une ambiance houleuse qui a obligé le président de la Chambre à rappeler l'assemblée à l'ordre à plusieurs reprises, le Premier ministre, confiant, a exclu de démissionner et a annoncé vouloir "mettre de l’ordre" dans ce scandale, "afin de rétablir la confiance et la transparence entre la presse et le gouvernement".

"Je suis désolé du scandale"

Les députés de l’opposition ont pourtant tenté de déstabiliser David Cameron au sujet d’Andy Coulson, véritable talon d’Achille du Premier ministre confronté à l’une des pires crises politiques depuis son accession au pouvoir en mai 2010. Ancien directeur de communication du chef du gouvernement, celui-ci a été arrêté le 8 juillet pour son rôle présumé dans les écoutes avant d'être remis en liberté conditionnelle le soir même. Il avait déjà dû démissionner en janvier de son poste à Downing Street.

"Je suis absolument désolé du scandale que sa nomination a provoqué", a souligné David Cameron. "Avec le recul et au vu de ce qui s'est passé ensuite, je ne l'aurais pas recruté pour ce travail". Alors qu’il était chef de file de l’opposition, le Premier ministre avait embauché Coulson en 2007, deux mois après la démission de ce dernier de son poste de rédacteur en chef de News of the World. Un recrutement interprété comme "une erreur catastrophique de jugement", selon Ed Miliband, le député et chef de file du Parti travailliste.

Par respect pour la présomption d’innocence dont bénéficie Andy Coulson, le Premier ministre a refusé de présenter des excuses pour cette embauche. "Je l’ai engagé. C’était ma décision. S’il a menti, il devra être poursuivi en justice, je m’excuserai à ce moment-là". Une annonce insatisfaisante pour les travaillistes qui ont accueilli chacune de ses déclarations par des huées. "Vous saviez et vous n’avez rien fait !", lui a rétorqué à trois reprises Ed Miliband. "A chaque fois que l’on vous a prévenu sur le cas Coulson, vous n’avez pas agi. Vous avez caché la réalité du comportement de votre ancien directeur de communication. Vous devez vous excuser maintenant". Réponse cinglante de David Cameron. "Et vous ? Qu’avez-vous fait pour faire cesser ces pratiques lorsque Gordon Brown et Tony Blair étaient au pouvoir ? Quand devront-ils, eux aussi, répondre de leurs responsabilités ?"

Règlement de comptes

"Cette audition a pris des airs de règlement de compte. Chacun sait que sa notoriété est en jeu", explique Gauthier Rybinski, spécialiste de politique internationale à France 24. "Ed Miliband, en demi-teinte depuis le début du mandat de Cameron, a saisi l’opportunité de s’affirmer", ajoute-t-il. "Il attaque, accuse, veut montrer qu’il n’est pas passif dans ce dossier. Mais le jeu est dangereux, en attaquant David Cameron sur son éthique, il prend le risque de voir ses arguments retournés contre son propre camp". Et pour cause, Cameron, très politique, n’a pas manqué une seconde fois de placer l’opposition devant ses contradictions en rappelant les propos tenus par Rupert Murdoch, entendu par des députés britanniques ce mardi. "Le politicien dont j'étais le plus proche était Gordon Brown", avait alors lancé le magnat de la presse...

Outre l’affaire Andy Coulson, les travaillistes ont eu l’opportunité de "coincer" le Premier ministre sur ses affinités avec de hauts dirigeants de News International [la branche britannique de News Corp., ndlr]. "David Cameron est fragilisé, entre autres, par son amitié avec Rebekah Brooks, arrêtée dimanche et ancienne rédactrice en chef du tabloïd News of the World", a rappelé Bénédicte Paviot, correspondante de FRANCE 24 à Londres. Une situation que l’opposition n’a pas manqué de rappeler. "Vous avez rencontré 26 fois [en 15 mois, ndlr] les dirigeants de News International", a lancé Ed Miliband. "Pouvez-vous nous assurer qu’à aucun moment vous n’avez discuté de l’offre d’achat du bouquet BskyB avec eux ?"

L’empire Murdoch a finalement renoncé le 13 juillet à son projet de rachat de la totalité de la chaîne satellitaire BSkyB  qui était en butte, entre autres, à un véto opposé par l'ensemble des partis politiques. L’opposition travailliste estime que les liens entretenus par Cameron avec le groupe de Rupert Murdoch ont pu faire avancer ce dossier en faveur du magnat. Le Premier ministre, lui, s’est défendu de tout conflit d’intérêt. "Il n’y a jamais eu de conversation inappropriée", a-t-il rétorqué.

Le Premier ministre a également présenté dans le détail la composition de la commission d'enquête indépendante destinée à mettre un point final à ce scandale d’écoutes. Présidée par un juge, celle-ci aura pour mission de faire la lumière sur le scandale et de se pencher sur l'éthique de la presse britannique. Le chef de l'opposition travailliste, Ed Miliband, s'est dit "ravi" de cette décision, lors de l’audience. Le rapport de la commission sera rendu d’ici douze mois, a par ailleurs annoncé David Cameron.