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À Bollywood, les caprices des stars menacent l'économie du cinéma
En Inde, le train de vie luxueux et les exigences des superstars de Bollywood pèsent sur les factures des producteurs, ces derniers confiant que certains revers subis par leurs films sont directement liés aux prix de ces acteurs. 
Des passants se baladent devant une fresque représentant des acteurs de Bollywood, le 21 juillet 2020 à Bombay. © Sujit Jaiswal, AFP

Luxueuses caravanes, plats de leurs propres chefs, équipes de plus en plus nombreuses... Les caprices des stars du cinéma indien font grimper les factures des superproductions, au point de mettre en difficulté toute l'économie du secteur.

Les résultats du box-office ont toujours été difficiles à anticiper à Bollywood, mais certains producteurs n'hésitent plus à affirmer que les revers subis par certains films ont moins à voir avec leur qualité artistique qu'avec leur prix.

"On ne parle pas là de coûts de production, mais des cachets des stars", précise d'emblée Ramesh Taurani, producteur de la franchise hypervitaminée Race.

De plus en plus de comédiens, argue-t-il avec d'autres, débarquent désormais sur les plateaux avec leurs maquilleurs, coiffeurs, stylistes, coaches sportifs et autres assistants en tous genres, dont les prestations sont évidemment facturées à la production.

"Ces équipes toujours plus nombreuses, leurs déplacements en première classe et leur logement luxueux font gonfler les budgets sans apporter de réelle plus-value créative", dénonce le distributeur Mukesh Bhatt.

"Ce type d'exigences de la part des stars sont tout simplement odieuses".

"Un seul acteur ne se déplace plus sans une escorte de 10 à 15 personnes", abonde le distributeur Raj Bansal. "Avant, plusieurs comédiens acceptaient de se serrer dans une seule caravane. Puis on est passé à une caravane par acteur. Et aujourd'hui, c'est la surenchère..."

Une seule de ces roulottes de luxe peut coûter à la production jusqu'à 18 000 dollars pour la durée d'un tournage, rappellent les connaisseurs du secteur.

"Équilibre financier"

Le niveau des extravagances des acteurs commence toutefois à faire froncer les sourcils de ceux qui tiennent les cordons de la bourse.

Comme ailleurs, le modèle économique de Bollywood a été révolutionné par les plateformes aux budgets énormes, que les distributeurs traditionnels peuvent difficilement concurrencer.

L'émergence des Apple TV, Netflix et autres Amazon Prime Video a également détourné une partie des spectateurs des seules œuvres "made in India".

"Le comportement du public a mûri, ces plateformes lui ont ouvert de nouveaux horizons et contraint le cinéma local à élever son niveau créatif", note le producteur Mukesh Bhatt.

"Mais les coûts de production toujours en hausse – notamment ceux liés aux artistes – ont créé une nouvelle pression financière. Ce ne sont pas les films qui sont fragiles, mais leur équilibre financier", développe-t-il.

Acteur et réalisateur, Aamir Khan n'a pas hésité en septembre à accuser ses pairs. "Vous gagnez des dizaines de millions de roupies. Vous avez perdu toute estime de vous?", leur a-t-il lancé sur Youtube.

Pour enrayer la spirale des caprices et des coûts, Mukesh Bhatt suggère un nouveau partage des bénéfices et des risques.

"Une solution pourrait consister à réaffecter nos ressources à ce qui fait l'essence du cinéma, c'est-à-dire sa puissance narrative", avance-t-il.

Partage des risques

"Quand un film marche bien, tous ceux qui y contribuent devraient en tirer profit", détaille-t-il. "Mais quand il a du mal à trouver son public, le poids ne devrait pas entièrement reposer sur le producteur".

Dernier exemple en date, la sortie en 2024 du long-métrage de science-fiction "Bade Miyan Chote Miyan" (Grand Monsieur, Petit Monsieur), qui a coûté 42 millions de dollars. Son échec en salle a forcé ses producteurs à hypothéquer leurs propriétés pour absorber les pertes...

Cette idée a commencé à faire son chemin.

Dès 2023, l'acteur Kartik Aaryan avait accepté de baisser son cachet pour la comédie "Shehzada", un film qui s'est effondré au box-office.

"Si votre plus-value de star s'additionne à celle du projet et que cela bénéficie à l'ensemble de l'équipe, tout va bien", estime-t-il. "Sinon, il faut accepter de prendre sa part de responsabilité".

Plutôt que de redéfinir le modèle économique du secteur, d'autres préfèrent une solution plus radicale. "Si le cachet de la star et de son entourage pèse sur votre budget, alors ne prenez plus de star", tranche l'acteur-scénariste-réalisateur Viveck Vaswani.

"J'ai fait 40 films avec 40 novices et j'ai réussi. J'ai embauché Shah Rukh Khan (SRK, une grande vedette) quand plus personne ne voulait de lui, et Raveena Tandon (une autre) quand personne ne la connaissait encore", ajoute-t-il.

"Il est faux de penser que votre acteur-titre est plus fort que votre scénario", conclut Viveck Vaswani.

Avec AFP