
L'attentat antisémite de Bondi Beach a fait au moins 15 morts et plus de 40 blessés. © Eloisa Lopez, Reuters
L'attaque est considérée comme l'un des pires attentats de l'histoire de l'Australie. Une semaine après la fusillade visant une fête juive, qui a fait 15 morts et des dizaines de blessés, près de Bondi Beach, à Sydney, l'enquête policière sur les deux suspects, un père et son fils, livre ses premiers éléments : entraînement militaire, repérages sur la scène de crime, confection de bombes artisanales, mystérieux séjour aux Philippines… Les policiers australiens ont découvert que l'attaque avait été minutieusement préparée. Si le père, Sajid Akram, 50 ans, a été tué pendant l'attaque, son fils Naveed Akram, 24 ans, a survécu à ses blessures. Après sa sortie de l'hôpital, il a été inculpé de 59 chefs d'inculpation, dont terrorisme, et transféré en prison dans l'attente de son jugement.
Depuis une semaine, les enquêteurs australiens fouillent le passé de la famille Akram pour comprendre comment leur radicalisation a pu échapper à leur radar. Naveed Akram a pourtant attiré l'attention du renseignement australien une première fois en 2019, alors qu'il était adolescent et fréquentait des sympathisants du groupe terroriste État islamique (EI) à Sydney. Selon le Premier ministre Anthony Albanese, deux connaissances de Naveed Akram avaient par la suite été emprisonnées, mais l'intéressé n'était pas considéré comme une menace sérieuse et n'avait plus fait parler de lui jusqu'au massacre.
En réalité, la radicalisation de Naveed Akram n'a jamais disparu. La police australienne a exhumé une vidéo où l'on voit les deux hommes, assis derrière un drapeau de l'EI, récitant un passage du Coran et justifiant leur attaque : "Après la récitation, l'accusé et [son père] s'expriment en anglais et font plusieurs déclarations concernant leurs motivations pour l'attaque de Bondi et condamnent les actes des 'sionistes'", précise la police australienne.
Entraînement militaire et repérages
L'enquête policière montre également que l'attaque terroriste avait été minutieusement préparée. Selon la police, une vidéo trouvée sur le téléphone portable de Naveed Akram, datant de fin octobre, montre le père et le fils s'entraînant, "tirant au fusil de chasse et se déplaçant de manière tactique" dans la campagne, probablement en Nouvelle-Galles du Sud, État du sud-est de l'Australie où se situe Sydney. Les deux terroristes ont ensuite décidé de loger dans une planque. Naveed a ainsi réservé en ligne, sur Airbnb, une chambre du 2 au 21 décembre dans une maison située dans la banlieue sud-ouest de Sydney, à Campsie.
Deux jours avant l'attaque, le 12 décembre, des images de vidéosurveillance prises près de Bondi Beach à 21 h 20 montrent les deux hommes se garer, vraisemblablement pour "repérage et planification" de l'attaque. Selon la police, les deux hommes se sont ensuite rendus à pied sur la même passerelle d'où ils ont ouvert le feu sur la foule deux jours plus tard. Avant la fusillade, Naveed Akram avait dit à sa famille qu'il emmenait son père pêcher dans la baie de Jervis, une ville côtière située à environ deux heures de route au sud de Sydney.
Des bombes artisanales n'ont pas explosé
À 2 h 16 le jour de la fusillade, les caméras de surveillance les ont filmés quittant le logement Airbnb et plaçant des armes cachées sous des couvertures dans une voiture immatriculée au nom de Naveed, selon la police. D'après les enquêteurs, ils étaient équipés de deux fusils de chasse à un coup, d'une carabine Beretta, de trois bombes artisanales, d'une bombe dissimulée dans une balle de tennis et d'un engin explosif de grande taille, ainsi que de deux drapeaux de l'EI. Ils sont ensuite retournés à leur logement.
À 17 h 09 le jour du massacre, les caméras de surveillance filment les suspects quittant le logement Airbnb et se dirigeant vers Bondi, selon la police. Naveed portait un t-shirt noir et un pantalon noir, son père un t-shirt noir et un pantalon blanc. La voiture est filmée jusqu'à son stationnement à Campbell Parade, près d'une passerelle piétonne donnant sur la plage, à 18 h 50. Les deux tueurs ont alors apposé des drapeaux de l'EI à l'intérieur des pare-brise avant et arrière.
D'après les premiers éléments de l'enquête, les policiers ont retrouvé dans le coffre de la voiture des suspects un engin explosif, qui ne s'est jamais déclenché. Ils étaient également en possession de bombes artisanales, mais celles-ci n'ont jamais explosé.
Un voyage aux Philippines qui interroge
Les enquêteurs australiens s'intéressent aussi à un mystérieux voyage dans la région de Davao, sur l'île de Mindanao, aux Philippines, réalisé en novembre. Si le pays est à majorité chrétienne, l'île de Mindanao est connue pour être un foyer de combattants islamistes affiliés à l'EI et pour avoir abrité des camps d'entraînement jihadistes. Mais le gouvernement philippin assure avoir mis hors d'état de nuire la plupart des cellules terroristes dans la zone. Le conseiller à la sécurité nationale des Philippines, Eduardo Ano, a affirmé qu'"aucune activité d'entraînement terroriste ni opération significative n'avait été recensée par ces groupes affiliés à l'EI depuis 2017".
Alors qu'ont bien pu faire Sajid et Naveed Akram pendant quatre semaines ? Le personnel de l'hôtel GV de Davao, interrogé par l'AFP, a précisé que les deux hommes étaient arrivés le 1er novembre et étaient restés 28 jours, ne quittant leur petite chambre que pour de courts instants. Les enquêteurs philippins examinent minutieusement les images de vidéosurveillance afin de retracer leurs déplacements et leurs contacts. Un porte-parole de la police a déclaré à ABC news qu'ils enquêtaient également sur une visite que Sajid Akram aurait effectuée dans un magasin d'armes à feu à Davao.
